Le « j’accuse » de Pallin et Perez Royo

De gauche a droite: Ada Colau, Martin Pallín, Pérez Royo, i Maria Lluïsa Oliveres (Ajuntament Barcelona)

Lors de la 36ème remise du prix Alfonso Comin, qui s’est déroulée à Barcelone, Pallin et Perez Royo ont accusé Soraya Saez de Santamaria (ancienne viceprésidente du gouvernement espagnol), Marchena et Maza (magistrats de la Cour Suprême espagnole) d’avoir orchestré le procès pénal contre les dirigeants indépendantistes catalans pour les faits du premier octobre 2017. Ils ont accusé aussi le Parti Populaire d’être à l’origine d’un coup d’état judiciaire.


Antonio Martin Pallin juge émérite de la Cour Suprême espagnole et Javier Perez Royo titulaire de la chair de droit constitutionnel à l’Université de Séville ont formulé, lors de la 36ème remise de prix Alfonso Comin, des accusations très dures.

Le premier a réduit en miettes la sentence prononcée par la Cour Suprême contre les dirigeants indépendantistes catalans. Il a affirmé que ce procès pénal avait été forgé par Soraya Saens de Santamaria, Manuel Marchena et le défunt procureur Maza.

Le deuxième a expliqué que le journal El Pais l’avait exclu de sa liste de collaborateurs, après qu’il eut dénoncé le coup d’état judiciaire du Parti Populaire, qui avait obtenu une sentence défavorable du Tribunal Constitutionnel contre le Statut catalan.

Tous les deux ont profité leur remise du prix international Alfonso Comin, de mains de la maire de Barcelone Ada Colau, pour lancer de dures accusations. Ils l’ont fait devant Maria Lluïsa Oliveres, présidente de la fondation Comin, mère de Toni Comin ancien membre du gouvernement catalan exilé à Bruxelles et veuve d’Alfonso Comin, eurocommuniste chrétien et personnage clé dans la transition espagnole vers la démocratie à la mort de Franco.

Le début de la cérémonie avait commencé par l’intervention de Maria Lluïsa Oliveres exigeant la libération de tous les prisonniers politiques et le retour des exilés. « Tout de suite », ce sont les premiers mots qu’elle a prononcés. « Je tiens à manifester ma solidarité avec tous les prisonnières et prisonniers politiques ».

Perez Royo et Pallin ont reçu ce prix, décerné à d’importantes personnalités comme, par exemple Nelson Mandela et Pere Casaldàliga, pour leur engagement en faveur d’une conception et d’une vision démocratique du droit et de la justice plus équitable. Ils ont aussi reçu l’hommage d’ Eva Labarta avocate qui a prononcé un discours vibrant où elle a dénoncé la situation politique espagnole. « Nous sommes face à une dérive autoritaire. L’état espagnol manipule les faits, méprise la dissidence et cherche à imposer la pensée unique ». Une bonne partie des citoyens espagnols y sont d’accord parce qu’ils méprisent tout ce qu’ils ignorent ». Un clin d’oeil au poète Machado que les conseillers municipaux socialistes n’ont pas entendu parce qu’ils étaient absents de la cérémonie.

Par contre, l’ancien conseiller d’économie du gouvernement catalan et dirigeant du parti socialiste Antoni Putxell y était présent. Il y avait aussi, entre autres, toute la famille Comin, Joan Subirats,Ernest Maragall, Elsa Artadi,Ferran Mascarell,

Soraya Saez de Santamaria, Marchena et Maza

Pallin ancien magistrat de la Cour Suprême a présenté le procès pénal pour les faits du premier octobre comme le résultat d’une entente entre Saez de Santamaria, Marchena et Maza (magistrat décédé l’année dernière). Tous les trois ont fait bougé les choses mais ils ne s’attendaient pas à ce que la Cour Suprême se saisisse de l’affaire. « Je veux faire un discours très dur », a-t-il dit. « Cette affaire aurait dû être jugé par le Tribunal régional de la Catalogne ».

Il a parlé aussi des prisonniers politiques. « Ce sont des prisonniers politiques parce que leurs motivations étaient politiques ». Il a critiqué aussi les bases de la sentence. « Une rébellion issue de lois votées par le parlement catalan. C’est du jamais vu dans l’histoire. Une rébellion n’est jamais sortie d’un parlement’. Il a aussi fait part de son ironie, lorsqu’il a parlé de cette idée, selon laquelle, des millions de catalans auraient été manipulés par leur gouvernement. « Alors, Julian Assange et Yoko Ono l’ont été aussi ». Il a bien précisé aussi que la partie la plus faible de la sentence était dans les 37 pages consacrées aux preuves retenues. Une erreur particulièrement grave du droit pénal. Il a dit aussi que « Vox c’est du fascisme contemporain ».

Il s’est opposé à cette idée qui fait des juges les dirigeants d’un pays. « Ce n’est pas bien que les juges gouvernent parce qu’il y a des conflits qui ne peuvent pas être résolus par des décisions de justice. Les libertés s’en ressentent ». Il faut que les juges connaissent la réalité et l’histoire sinon ils seront remplacés par des formes d’intelligence artificielle qui les remplaceront.

Il a parlé du projet de constitution élaboré en 1873 par la première république espagnole et qui ne fut jamais appliqué. Il était déjà question de 17 régions autonomes, qui mettront un siècle à se concrétiser et d’une Espagne fédérale dont il est un ardent défenseur.

Pallin s’est approprié du discours de Macia lorsqu’il était pour un état catalan faisant partie d’une fédération de républiques ibériques. « Une union faite à partir de la liberté ». Il a toutefois oublié de dire que Macia était, avant tout indépendantiste. Ce fut pour une question de pragmatisme qu’il accepté de devenir Président du gouvernement catalan (Generalitat) au sein d’une république espagnole en 1931 qui n’était même pas fédérale.

De toute façon et en dépit de ces contradictions, Pallin, né en Galice et admirateur d’Azana (principal homme d’état de la république espagnole), s’est montré profondément républicain. « C’est la république qui a le mieux cerné ce problème en proposant des solutions de nature fédéraliste ».

Le coup d’état judiciaire du Parti Populaire et la censure d’ el Pais

« Je suis partagé entre tristesse, joie et satisfaction lors de cette remise du prix »a dit Perez Royo. « Il y a des absents qui ne devraient pas être absents car ils sont injustement incarcérés. » Dans son discours d’un quart d’heure, Perez Royo, la seconde personne à qui le prix a été décerné, a dit: « il faut qu’on arrive à partager la tristesse avec le courage et la résistance de la société civile catalane. Les autorités espagnoles ont cru que la question pourrait se résoudre en mettant en prison quelques personnes. Les cataans sont allés voté plusieurs fois ces dernières années et à chaque fois, les indépendantistes progressent. La prison n’est pas une solution ».

Perez Royo qui a soutenu les candidatures de Podemos (gauche espagnole) en Andalousie et qui, avant, avait été conseiller du Parti socialiste et rédacteur du Statut d’autonomie andalou, est, sans doute, une référence intellectuelle et juridique espagnole.

Pour lui et c’est sur ce point qu’il a construit son discours, le problème politique actuel a commencé en 2010. Il y a eu un coup d’état juridique. Le Parti Populaire avec la connivence de la Cour Constitutionnelle en est le responsable. « Je l’avais déjà avancé dans un article que j’ai écrit en 2007 pour le journal El Pais. Cet article a mis fin à ma collaboration avec ce journal parce que j’avais osé en parler.

Ils ont refusé de publier un deuxième article, que je leur ai adressé, intitulé Pourquoi un coup d’état? . Perez Royo a étalé à nouveau sa thèse à propos de la sentence dictée par la Cour Constitutionnelle. « Le pacte constitutionnel espagnol se construit sur deux bases. La première c’est que tous les Statuts d’autonomie, présentés par les Assemblées régionales, sont approuvés, en dernière lecture, par le Congrès de députés, la seconde c’est le référendum où les citoyens votent lesdits Statuts. La sentence de la Cour Constitutionnelle contre le Statut catalan a tout brisé. D’abord, le pacte entre les deux assemblées, la régionale et la nationale et ensuite le référendum. Ce coup d’état judiciaire est à l’origine de la crise territoriale actuelle.

Le Parti populaire grâce à ce coup d’état, a amélioré ses résultat électoraux à cour terme. Le problème c’est qu’on sait comment on fait un coup d’état mais on sait pas comment s’en sortir. Le Parti populaire a été victime de la tension territoriale qu’il a provoquée et a fini par la payer en termes électoraux. La crise catalane s’est étendue au reste du pays. Tant qu’on ne saura pas résoudre la crise en Catalogne, l’état espagnol sera en crise. Depuis 2015, l’Espagne n’a pas eu un vrai gouvernement. Il n’y a que des conseils de ministres. La sentence de la Cour constitutionnelle est à l’origine de tous nos maux.

« La politique territoriale relève de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême c’est qui est une aberration. Les juges ne doivent faire de la politique. Le parti socialiste a hérité de cette situation et il ne sait pas s’en sortir. On tourne en rond. La Cour de justice de l’Union européenne va y remédier. Il faut lutter pour que la politique reprenne ses droits et remplace l’actuel gouvernement des juges ».

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Publié par LYONSOLIDAIRECAT

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