Une soif de vengeance et d'humiliation !

Une femme passe devant les portraits de Raül Romeva et du reste des exilés et des prisonniers politiques, peints sur un mur à Folgueroles | Adrià Costa


La gravité de l'offensive judiciaire lancée contre les prisonniers politiques catalans reléve du harcélement, de la vengeance, de la volonté d'humilier. c'est ce que analysent les deux amies du Collectif pour la Libération des prisonniers politiques catalans à travers les notes qu'elles viennent de nous faire parvenir et que nous publions ici:

- Mme Dominique Noguères Vice Présidente de la Ligue des Droits de l'homme,

- Mme Marie Lefevre-Fonollosa, responsable à Toulouse (France) des veillées hebdomadaires pour l' Amnistie et la Libération des Prisonniers politiques catalans.

Les deux situent cette offensive de harcélement dans un contexte qui voit une offensive des droites en Espagne dont certaines issues des appareils policiers, militaires et judiciaires de l' Etat espagnol.. L'ex juriste du Tribunal Constitutionnel espagnol, Joaquin Urìa dénonçant cette volonté de punir, cette soif de vengeance dans une Tribune de la revue "Sin Permiso", termine ainsi sa Tribune "Que se pudran en la carcel" (Qu'ils pourrissent en prison) "Nous vivons des heures tristes où la principale menace pour l' Etat de Droit c'est précisément l'existence de quelques juges". Paris 6 décembre 2020.

Le Tribunal Suprême maître du jeu?

Le Tribunal Suprême espagnol a révoqué le troisième grade pour tous les prisonniers politiques catalans qui prévoit une semi liberté.

Le Tribunal considère que les prisonniers n'ont pas suffisamment fait "amende honorable" et risquent de persévérer dans leur démarche politique Ce troisième grade, de droit après avoir purgé une partie de la peine , avait été avalisé par le juge d'application des peines de la prison. Mais des recours avaient été déposés par le Procureur à Madrid et ils étaient retournés en prison purgeant leur peine dans des conditions rendues encore plus difficiles avec l’épidémie, ne sortant qu'une heure par jour de leur cellule.

Les deux femmes Carme Fordadell et Dolors Bassa étaient en liberté dans l'attente de leur recours. elles dorment ce soir en prison.

La libération des prisonniers faisait l'objet d'un "chantage" auprès de Pedro Sanchez pour le vote du budget. Le Tribunal Suprême toujours aux mains de la droite extrême aura coupé l'herbe sous le pied de toute tentative de règlement politique.

C'est à la fois triste et choquant. Il serait bien que l'on s'en émeuve.

Dominique Noguères

Appel aux démocrates!

Hier après-midi, le 4 décembre 2020, et après de 6 mois de réflexion et 2 semaines de délibération, la Cour suprême espagnole a révoqué la mise en liberté conditionnelle des 9 prisonniers politiques catalans, liberté partielle qui leur permettait de travailler en dehors de la prison et qui leur avait été accordée par le système pénitentiaire de la Généralité de Catalogne à travers leur classement au troisième degré et l'application et l’article 100.

Les 7 hommes prisonniers ont vu cette décision appliquée de manière préventive depuis juillet 2020 alors que Dolors Bassa et Carme Forcadell pouvaient bénéficier du régime de semi -liberté en attendant la décision ; elles ont intégré leurs prisons respectives immédiatement.

La Cour qui vient de prendre cette décision était composée de : Manuel Marchena (Conservateur), Andrés Martínez Arrieta (indépendant), Juan Ramón Berdugo (Conservateur), Antonio del Moral (Conservateur), Andrés Palomo (indépendant) i Ana Ferrer (progressiste, mais qui a fait pencher la balance pour la destitution de Quim Torra). Donc une tendance conservatrice certaine.

Le Tribunal Suprême (TS) allègue que les prisonniers n’ont pas encore purgé la moitié de leur peine et qu'il est nécessaire, pour le classement au 3ème degré de "rééduquer les prisonniers au regard des faits du 1-O pour lesquels ils ont été condamnés". Il insiste bien sur le fait que leur idéologie indépendantiste n’est pas en cause (SIC!). En ce qui concerne l'article 100.2, la Cour fait valoir que, dans le cas des prisonniers politiques, l'application de l'article n'a pas été accompagnée d’un « processus de réintégration ».

De manière explicite, le Tribunal Suprême affirme qu'il se fonde sur le manque de repentir des prisonniers pour nier le troisième degré . (Voir ci-joint la décision du TS du 4 décembre 2020 qui concernent Oriol Junqueras).

Rappelons que Jordi Cuixart, Jordi Sanchez et Carmé Forcadell n’étaient pas membres du gouvernement. Les 2 premiers ont été condamnés à 9 ans de prison en raison de leur lien avec l’énorme manifestation pacifique du 20 septembre 2020 et Mme Forcadell comme Présidente du Parlement catalan a écopé de 11 ans 1/2 pour avoir autorisé un débat sur le référendum (alors que les membres du bureau du parlement qui ont voté avec elle, jugés séparément par la Cour de Justice de Catalogne sont libres). Elle s’est exprimée à la télévision catalane la semaine dernière, en disant qu’elle est persuadée de ne pas avoir été condamnée pour avoir exercé son métier, puisque ses collègues sont libres, mais pour avoir été longtemps la Présidente de l’ANC.

Les 6 membres de l’exécutif, ont été élus démocratiquement pour mettre en place le référendum d'autodétermination dont le principe découle du droit international selon lequel chaque peuple devrait disposer du choix libre et souverain, de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère. Il s’appuie sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, principe fondamental du droit international.

La décision du TS et les justifications qui l’accompagnent prouve une fois de plus que nous sommes bien devant un cas de persécution idéologique et que la condamnation des prisonniers politiques à des peines disproportionnés face aux faits qui leur sont reprochés est incompatible des droits civils et politiques qui constituent le fondement de toute démocratie.

Les réactions ont été immédiates. En voici quelques unes :

- La Cour de Justice de l’UE a twitté en rappelant qu’Oriol Junqueras, Député européen élu, bénéficie de l’immunité parlementaire ;

- Amnesty International dénonce le refus du troisième degré à Sanchez et Cuixart comme une décision qui "perpétue une situation d'injustice". L'organisation rappelle qu'elle a demandé leur libération depuis qu'ils ont été placés en détention provisoire en octobre 2017 et qu '«ils n'auraient jamais dû aller en prison» , leur condamnation est «une restriction indue de leurs droits» ;

- L’association « Coordination des avocats de la défense de Catalogne » signale des irrégularités de la décision de la Cour suprême ; l’organisation dénonce aussi le fait que le droit à la défense de tous les détenus a été fragilisé, et accuse la Cour suprême d'agir d'un "point de vue idéologique" et de "tourner en dérision" les tribunaux de surveillance pénitentiaire ;

- De son côté, la Ministre de la Justice de la Généralité de catalogne, Ester Capella, a appelé à l'Amnistie pour les prisonniers politiques et a déclaré que la Cour suprême avait constamment "fait la sourde oreille" aux juges de surveillance des prisons et aux travaux des commissions de traitement des prisons qui avaient approuvé le troisième degré.

Beaucoup de journaux catalans soulignent le fait que cette décision de la Cour suprême arrive le lendemain de l'approbation du budget général de l'État avec le soutien des partis indépendantistes catalans et basques. Pour certains ce serait une indication claire de la coordination qui existe entre le gouvernement espagnol et la justice, lien absolument indigne d'un État de droit basé sur une véritable séparation des pouvoirs ; pour d’autres, la décision du TS serait une mise sous pression du gouvernement espagnol par la droite conservatrice.

Un point est certain, c’est que divers manifestes émanant d’ex-militaires ont récemment été rendus publics autour du thème de l’approbation du budget espagnol :

1.-Le 10 novembre, 39 soldats à la retraite de la promotion XIX de l'Académie de l'Air ont envoyé une lettre à Felipe VI, mais aussi au président du Parlement européen, David Sassoli, dans laquelle ils assurent que le gouvernement du PSOE et Unidas Podemos peuvent affaiblir la justice et «anéantir la démocratie» (voir ci-joint:Cartes_al_rei.pdf) . InfoLibre a publié plusieurs messages d'un groupe WhatsApp que possèdent les signataires, dans lesquels ils expriment leur affinité pour l'extrême droite et le franquisme, tout en faisant référence aux coups d'État et en attaquant durement les partis indépendantistes ou en souhaitant la mort de membres du gouvernement et de 26 millions d’espagnols à « fusiller ».

2.-Par ailleurs, le 25 novembre, 73 ex-militaires de la XXIII promotion de l'Académie militaire de Terre ont aussi envoyé des missives au roi Felipe VI. Ces militaires, proches de Vox, affirment que « le gouvernement socialo-communiste, avec le soutien des groupes indépendantistes», conduit l'Espagne vers «la décomposition de l'unité nationale».

3.-Enfin, hier, près de trois cents autres anciens militaires ont signé un manifeste dans lequel ils attaquent le gouvernement espagnol et ses partenaires ERC et EH Bildu. Ils affirment que l'unité de l'Espagne est en danger et ajoutent qu'ils donneraient leur vie pour défendre l'unité territoriale de l'Etat. Le manifeste critique les possibilités de Grâce et la réforme du délit de sédition.


On attend avec impatience la réaction du Roi Felipe 2 …

tout silence serait interprété comme un consentement (...)

Marie Lefèvre-Fonollosa

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