Le «New York Times» publie un article sur le cas injuste de Jordi Cuixart




Le prestigieux journal a publié aujourd'hui un reportage sur le cas injuste de Jordi Cuixart, président d'Òmnium Cultural, emprisonné depuis 3 ans et demi pour avoir exercé son droit de réunion pacifique en faveur du Référendum catalan sur l'autodétermination l'année 2017.

L' Association Omnium Cultural nous fait parvenir l' infomation suivante:

Le reportage affirme «qu'aux yeux de nombreux pays étrangers, il est un prisonnier politique assis au cœur de l'Europe» et que les prisonniers politiques catalans «sont également devenus un casse-tête diplomatique, soulevant des accusations d'hypocrisie contre une région connue pour exiger de plus grandes libertés démocratiques dans le monde».

Le journal souligne également que «selon les groupes de défense des droits humains [les dirigeants catalans] sont en prison pour rien de plus que d'exprimer et d'agir selon leur point de vue politique», et il cite Esteban Beltran, directeur d'Amnesty International Espagne: «Cuixart est en prison simplement pour exercer son droit de s'exprimer».

Jordi Cuixart a déclaré qu'il ne demandera pas pardon parce qu'il recommencerait. Omnium Cultural se tient aux côtés de son Président et ne reculera pas face à la tâche d'expliquer au monde entier que la Catalogne a le droit d'exercer le droit à l' autodétermination et qu'elle réclame l' amnistie pour les prisonniers politiques, les exilés et tous les pourchassés.

Ni la pandémie ni les tentatives de l'Etat d'éliminer le mouvement démocratique ne nous arrêteront. Nous sommes plus de 185.000 membres associés, engagés pour la défense des droits civils!
                "A un certain moment, l'Espagne va devoir réfléchir et elle va devoir se demander ce qu'elle va faire avec moi: M' éliminer? Ils ne le peuvent pas! "  Jordi Cuixart


Criminel ou martyr, un prisonnier pose un dilemne politique pour l'Espagne.

Un leader séparatiste catalan, Jordi Cuixart, purge une peine de neuf ans de prison pour avoir soutenu une tentative d'indépendance ratée dans sa région espagnole. Ses partisans disent qu'il ne devrait pas du tout être en prison.

Mardi 4 Mai 2021

Sur un boulevard verdoyant de Barcelone se trouve le siège d'Omnium Cultural, une organisation connue en Espagne autant pour ses prix littéraires que pour ses rêves d'une république indépendante en Catalogne.

Mais son président, Jordi Cuixart, est introuvable. Depuis trois ans et demi, il vit dans une cellule de prison.

Pour les autorités espagnoles, Jordi Cuixart est un criminel dangereux, reconnu coupable de sédition pour avoir dirigé un rassemblement à un moment où lui et d'autres dirigeants séparatistes cherchaient à créer un état séparatiste dans la région du nord-est de la Catalogne. Pourtant, pour ses partisans, et aux yeux de nombreux pays étrangers, il est un prisonnier politique au cœur de l'Europe.

« Ils veulent que nous changions nos idéaux », a déclaré Jordi Cuixart, s’exprimant récemment à travers une épaisse vitre de verre dans la section des visiteurs de la prison.

Plus de trois ans se sont écoulés depuis que le mouvement indépendantiste catalan a failli déchirer l'Espagne et les politiciens de Madrid ont apparemment gagné. Les plans de sécession sont en grande partie morts. Le bruit des casseroles, qui avait été un élément du mouvement, est rarement entendu la nuit à Barcelone.

Mais les leaders espagnols, maintenant absorbés par la lutte contre la pandémie de coronavirus, ont toujours un problème politique. Pour beaucoup, Jordi Cuixart et huit autres leaders emprisonnées pour sédition sont désormais des martyrs qui, selon des groupes de défense des droits de l'homme, sont détenus pour rien de plus que de parler et d'agir en fonction de leurs opinions politiques.

Pour le gouvernement espagnol et pour l'Europe dans son ensemble, ils sont également devenus un casse-tête diplomatique, soulevant des accusations d'hypocrisie contre une région connue pour exiger de plus grandes libertés démocratiques dans le monde.

La Russie a cité cette année les détenus catalans pour détourner les appels de l'Europe à la libération d'Aleksei Navalny, le leader de l'opposition russe. Les États-Unis citent les prisonniers catalans dans leur rapport sur les droits de l'homme sur l'Espagne et qualifient leur incarcération de forme d'intimidation politique.

Même les députés de l'Union Européenne, dont l'Espagne est membre, ont évoqué leur sort. Lorsque le parlement européen a discuté de la responsabilité de la Hongrie et de la Pologne devant l'Union Européenne dans la mise en cause des normes de l'état de droit, certains députés européens ont noté un double standard. Ils ont dit qu'il y avait des prisonniers politiques en Espagne.

Les incarcérations découlent d'un conflit de longue date, toujours non résolu, sur l'identité, la langue et le droit de décider en Catalogne, une région de sept millions cinq cent mille habitants à la frontière avec la France.

En 2017, la Catalogne a été plongée dans le chaos lorsque ses leaders ont tenté d'organiser un référendum régional pour l'indépendance au mépris des tribunaux espagnols. Le gouvernement national de Madrid a envoyé des brigades anti-émeutes, qui ont saisi les urnes et qui ont même frappé des électeurs.

Les séparatistes ont quand même revendiqué la victoire, malgré le fait que plus de la moitié des électeurs n'ont pas voté et les sondages ont montré que la Catalogne était divisée au moment de l'indépendance.

Par défi, le parlement de Catalogne est allé de l'avant et il a quand même déclaré son indépendance, avant de suspendre sa déclaration et d'être dissous par le gouvernement espagnol. À ce moment-là, Jordi Cuixart avait déjà été arrêté et d'autres dirigeants séparatistes se sont enfuis en Belgique.

En 2019, les tribunaux ont condamné Jordi Cuixart et huit autres leaders à des peines de neuf à treize ans de prison après les avoir reconnus coupables de sédition.

« Il est en prison simplement pour avoir exercé sa liberté d'expression », a déclaré Esteban Beltrán, qui dirige le bureau espagnol d'Amnesty International, à propos de Jordi Cuixart.

Arancha González Laya, le ministre espagnol des affaires étrangères, a déclaré que cette affaire a apporté des souvenirs douloureux dans le pays d'autres mouvements d'indépendance, y compris les meurtres commis par Euskadi Ta Askatasuna (ETA), qui s'est battu pendant des décennies pour l'indépendance du Pays Basque espagnol.

« Ce ne sont pas des prisonniers politiques. Ce sont des politiciens qui ont enfreint la loi », a déclaré Arancha González Laya dans une interview, « vous avez le droit en Espagne d'exprimer une opinion différente, mais vous n'avez pas le droit de décider unilatéralement de démanteler le pays ».

Mais David Bondia, professeur de droit international à Barcelone, a déclaré que le gouvernement espagnol envisageait une refonte qui affaiblirait ses lois sur la sédition, ce qu'il considère comme un aveu qu'il y avait eu une erreur en emprisonnant les dirigeants séparatistes.

Le cas de Jordi Cuixart était encore plus problématique d’un point de vue juridique. Il était le leader d'une association culturelle, mais son procès pour sédition s'est déroulé dans un cadre juridique réservé aux politiciens, a déclaré David Bondia, soulevant des questions de procédure régulière.

Pour Carles Puigdemont, l'ancien président de la Catalogne qui a mené la poussée référendaire, la situation rappelle l'époque de la dictature de Francisco Franco, où les opposants politiques vivaient dans la peur des persécutions.

« Cela nous a durement frappé et cela nous a ramenés dans le passé », a-t-il déclaré.

Carles Puigdemont, également recherché pour sédition, a fui l'Espagne en 2017 pour la Belgique et il siège au parlement européen. Mais son immunité parlementaire a été levée au mois de mars 2021, ce qui fait qu'il risque d'être extradé.

L'ombre de Francisco Franco a joué un rôle dans les débuts d'Omnium Cultural, l'organisation culturelle que Jordi Cuixart allait diriger.

Elle a été fondée en 1961 par un groupe d'hommes d'affaires pour promouvoir la langue catalane à une époque où le gouvernement espagnol interdisait son utilisation en public. Peu de temps après, les franquistes ont fermé Omnium Cultural et le groupe est entré dans la clandestinité.

Lorsque Jordi Cuixart grandissait à la périphérie de Barcelone dans les années 1980, Francisco Franco était mort et de nombreux vestiges de son régime avaient été balayés depuis longtemps, mais Jordi Cuixart voyait toujours une intolérance envers sa culture.

Il y avait le nom de Jordi Cuixart, par exemple. Son prénom, Jordi, était le nom catalan du saint patron de la région, Saint-Georges le tueur de dragons, mais, dans les documents officiels, Jordi Cuixart était enregistré sous le prénom espagnol de Jorge, une pratique courante dans le pays, qui avait interdit l'enregistrement des prénoms catalans.

« Ils ont vu la différence comme une menace », a-t-il déclaré. Jordi Cuixart a été entraîné dans le monde des lettres catalanes par un oncle qui possédait une librairie bientôt connue pour ses salons littéraires remplis de poètes et de personnalités politiques. L'atmosphère était un ouragan créatif, a déclaré Jordi Cuixart, ce qui l'inspirera pendant des décennies.

Jeune homme, Jordi Cuixart s'est plongé dans le monde des affaires, travaillant d'abord dans les usines de Barcelone, puis épargnant pour ouvrir l'une des siennes. Après que son profil d'entrepreneur a commencé à se développer, il a rejoint Omnium Cultural en 1996.

Le groupe était devenu depuis ses jours clandestins une force clé de la culture catalane. Il a relancé la Nuit de Saint-Llúcia, un festival littéraire de nuit à Barcelone qui avait été interdit par Francisco Franco et il a décerné le prix Saint-Jordi du meilleur roman écrit en catalan.

Omnium Cultural a également réveillé les sentiments nationalistes que Jordi Cuixart avait ressentis à l'adolescence.

« Être catalan était plus qu'une langue et une ascendance », a-t-il déclaré, « c'était une décision de vivre ici et d'être ici. C'est ce qui vous fait catalan ».

En 2010, les tribunaux espagnols ont rejeté une charte (un nouveau statut d'autonomie) qui accordait de larges pouvoirs en matière d’autonomie gouvernementale, quatre ans après son approbation par les électeurs et le parlement régional. Cette décision a suscité une colère généralisée et les drapeaux séparatistes sont devenus courants dans les campagnes.

Bientôt, le parlement catalan discutait d'une décision visant à déclarer un état indépendant, longtemps considérée comme une chimère des radicaux.

Jordi Cuixart, qui en 2015 était devenu président d'Omnium Cultural, était parfois en désaccord sur le fait que son groupe avait également rejoint le mouvement indépendantiste, c'était une organisation culturelle après tout, ce n'était pas une organisation politique. Mais en fin de compte, il a déclaré que ne pas rejoindre le mouvement indépendantiste aurait été être du mauvais côté de l'histoire.

Le jour crucial est venu pour Jordi Cuixart le 20 septembre 2017, lorsque la police espagnole, tentant d'empêcher la tenue du référendum pour l'indépendance, a pris d'assaut un ministère régional catalan en s'appuyant sur des soupçons selon lesquels des plans de vote y étaient organisés. Mais une foule géante a entouré le siège du ministère régional catalan.

Jordi Cuixart et un autre leader indépendantiste, Jordi Sánchez, ont tenté de servir de médiateur entre les manifestants et la police. Ils ont mis en place des voies à travers la foule pour permettre à des agents d'entrer dans le bâtiment et ils ont annoncé que quiconque envisageait la violence était un traître.

Au fur et à mesure que la nuit avançait, Jordi Cuixart a déclaré qu'il craignait des affrontements violents. Dans un enregistrement, il est vu au sommet d'un véhicule appelant à la dispersion de la foule. Malgré les railleries des manifestants, la plupart sont partis et Jordi Cuixart a déclaré qu'il était ensuite parti pour dormir.

Le référendum a eu lieu au milieu de la répression le premier octobre 2017. Mais Jordi Cuixart a rappelé un acte antérieur de désobéissance civile alors qu'il n'y avait pas eu de conséquences après avoir esquivé un projet militaire dans sa jeunesse. Il pensait qu'il n'avait pas grand-chose à craindre cette fois-ci.

Mais ensuite, les accusations de sédition sont venues, l'un des crimes les plus graves en Espagne. Des accusations aussi draconiennes pour activité lors d'une manifestation ont surpris même les experts juridiques qui ont déclaré que les lois sur la sédition, qui couvrent des crimes moins graves que la rébellion totale, avaient rarement été utilisées dans le pays.

« J’ai dû chercher ce qu’était même la sédition », a déclaré Jordi Cuixart, qui passe maintenant ses journées à la prison de Lledoners, un pénitencier construit pour environ mille détenus, dont des trafiquants de drogue et des assassins condamnés. Il a dit qu'il passait ses après-midis à méditer et à écrire des lettres.

Jordi Cañas, un député européen espagnol opposé à l’indépendance de la Catalogne, a déclaré qu’il n’avait guère de pitié pour la situation de Jordi Cuixart parce que les séparatistes se sont punis eux-mêmes.

« Je ne leur pardonne pas, car ils ont brisé notre société », a déclaré Jordi Cañas, ajoutant que le mouvement indépendantiste divisait encore les foyers espagnols, « j'ai des amis à qui je ne parle plus à cause de cela ».

Jordi Cuixart, pour sa part, a déclaré qu'il ne demandait pas pardon, « je recommencerais. C’est l'Espagne qui a besoin de changer, ce n’est pas moi. À un moment donné, l'Espagne va devoir réfléchir et elle va devoir se demander ce qu’elle va faire de moi. Ils ne peuvent pas m’éliminer ».

En anglais

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