Memorandum #5

Jordi Cuixart; Photo par Adrià costa

Le Tribunal constitutionnel espagnol rejette, après 19 mois de prison préventive, la demande de mise en liberté sous caution de Jordi Cuixart, président de la plus grande ONG de Catalogne

Le 14 mai 2019, le Tribunal constitutionnel espagnol a rejeté à l’unanimité un recours de Jordi Cuixart, président de la plus grande ONG de Catalogne, Òmnium Cultural (168 000 membres), contre son incarcération injustifiée sans possibilité de mise en liberté sous caution depuis 19 mois. Le Tribunal constitutionnel a estimé que son incarcération à long terme était «pertinente, adéquate et proportionnelle». Nous sommes en total désaccord.

Òmnium Cultural a été fondé en 1961 au cours des 40 années de dictature franquiste quand il était interdit de parler ou d’utiliser la langue catalane en public et au moment où les institutions de la Catalogne avaient été supprimées. L'objectif d’Òmnium Cultural a toujours été de défendre les libertés civiles et les droits de l'homme tout en protégeant et en promouvant la langue, la culture et les institutions, toujours dans une position pacifique et de non-violence. C’est devenu un pilier de la société civile catalane.

Le président d’Òmnium Cultural, Jordi Cuixart a été arrêté en octobre 2017 et inculpé de sédition et de rébellion pour son rôle dans l'organisation d'une manifestation pacifique à Barcelone le 20 septembre 2017 et est maintenu en détention sans possibilité de mise en liberté sous caution. Est-ce que 19 mois d'incarcération sans caution ni condamnation pour quelque crime que ce soit puisse être «pertinents, adéquats et proportionnels» pour une manifestation pacifique où M. Cuixart a été filmé par de nombreux médias appelant au calme en tout temps?

Le Tribunal constitutionnel a ignoré les multiples violations des libertés civiles et des droits de l'homme de Jordi Cuixart, depuis son arrestation et durant le procès qui se déroule en ce moment devant la Cour suprême d'Espagne. M. Cuixart est jugé avec 11 autres dirigeants politiques et de la société civile catalane depuis le 12 février.

Selon le Tribunal constitutionnel, Jordi Cuixart doit être maintenu en détention car il court le risque de prendre la fuite. Bien qu'il ait eu plusieurs semaines pour fuir entre la manifestation qui avait abouti aux accusations portées contre lui et son arrestation effective, et qu’il n’est jamais parti.

Le Tribunal a également déclaré que Jordi Cuixart avait fait preuve d'un «dédain réitéré pour son obéissance aux décisions judiciaires», bien qu'il n'y ait absolument aucune preuve de cela. Jordi Cuixart n'a pas de casier judiciaire. Il a été incarcéré de manière provisoire pendant 18 mois avant d'être traduit en justice sans qu’aucune peine ne soit prononcée contre lui. Il n'a donc manqué à aucune décision de justice puisqu'il n'a jamais été condamné. Peut-être le Tribunal se réfère à la dénonciation généralisée des violations des libertés civiles et des droits de l'homme que cette incarcération et ce procès à caractère politique infligent? Depuis longtemps, Amnesty International a demandé la libération immédiate de Jordi Cuixart, par exemple.

Le Tribunal constitutionnel affirme que Jordi Cuixart peut fuir, car «il appartient à un collectif doté d'une structure organisationnelle, de ressources économiques considérables et d'un cadre international». Jordi Cuixart est un homme d'affaires autodidacte qui a l'honneur de présider de manière bénévole Òmnium Cultural. Qu'une organisation comptant 168 000 membres possède une structure organisationnelle et que les ressources financières est difficilement reprochable. Des milliers de dirigeants et de membres du conseil d'administration d'organisations à but non lucratif en Espagne et dans le monde seraient concernés par cet argument, ce qui est absurde.

Le Tribunal a également ignoré l'appel de M.Cuixart en faveur de sa libération pour retrouver son fils qui n'avait que quatre mois lorsqu'il a été arrêté et qui est sans père depuis 18 mois sans justification, affirmant que les dommages potentiels pour les enfants mineurs ne constituent pas un motif de libération. Encore une fois, restreindre les droits fondamentaux des citoyens qui n’ont été condamnés pour aucun crime devrait être quelque chose que tout tribunal d’une démocratie déplorerait et chercherait à rectifier.
Avec la montée de l'extrême droite en Europe et les menaces croissantes pour la démocratie et les libertés dans le monde en général, la communauté internationale ne devrait pas fermer les yeux sur la détention arbitraire des dirigeants politiques et de la société civile de Catalogne et sur le procès-spectacle politique qui en a résulté et qui se déroule actuellement à Madrid.

Source :
Omnium Cultural (français)

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