Catalogne : Une majorité d'eurodéputés léve l' immunité de Puigdemont
les eurodéputés catalans:T.Comìn-C.Puigdemont- |
Ludovic Lamant publié sur Médiapart 09/03/2021
Au plus fort de la poussée indépendantiste catalane, l’Union européenne était restée silencieuse, considérant l’affaire comme un « problème intérieur » à l’Espagne. Trois ans et demi après la « déclaration unilatérale d’indépendance », la position de l’UE n’a pas changé. Le vote qui s’est tenu lundi soir au Parlement européen, même s’il n’a été précédé d’aucun débat, constituait ainsi l’une des rares occasions de voir le sujet figurer à l’agenda d’une plénière.
Il n’y a pas eu de surprise : une très large majorité de députés a levé l’immunité parlementaire dont bénéficiaient jusqu’alors trois de leurs collègues, élus en 2019 et autorisés à siéger depuis février 2020. Il s’agit de Carles Puigdemont, l’ancien président de la Catalogne, de l’ex-conseiller régional à la santé Toni Comín, et enfin de l’ancienne conseillère à l’enseignement Clara Ponsatí, tous trois réfugiés depuis l’automne 2017 entre Bruxelles et l’Écosse (pour Ponsatí), afin d’échapper à la justice espagnole.
Les trois rapports portant sur la demande de levée d’immunité ont été rédigés dans une première mouture par un ultra-conservateur bulgare, Angel Dzhambazki (VMRO), membre du même groupe que l’extrême droite espagnole de Vox au Parlement européen. Ces textes rappellent notamment que les accusations portées par le Tribunal suprême espagnol concernent une période antérieure à l’élection au Parlement européen de Puigdemont, Comín et Ponsatí. Le rapport sur Puigdemont a été validé par 400 voix (248 contre, 45 abstentions), ceux sur Comín et Ponsatí à 404 voix pour (247 contre, 42 abstentions).
Une majorité des élus chrétiens-démocrates du PPE, des sociaux-démocrates (S&D), des conservateurs (ECR) et des libéraux (Renew) ont voté la levée de l’immunité, tandis que les Verts et la GUE (gauche critique) s’y sont opposés. « Ce vote ne porte pas sur nous trois en tant qu’individus, avait mis en garde Carles Puigdemont sur Twitter avant la consultation. Il porte sur les valeurs que l’on défend, la conception de la démocratie qui nous anime, l’avenir que l’on veut construire en Europe ».
Le feu vert des eurodéputés ouvre la voie à leur éventuelle extradition vers Madrid, synonyme de plusieurs années de détention. Mais la partie est encore loin d’être gagnée pour les autorités espagnoles. En janvier, un tribunal d’appel belge a confirmé une première décision rendue l’été dernier, refusant de remettre à l’Espagne Lluís Puig, un autre ancien conseiller catalan qui s’était lui aussi réfugié à Bruxelles.
La justice belge estime notamment que les droits fondamentaux de Puig, et en particulier la présomption d’innocence, ne sont pas garantis sur le sol espagnol. Elle doute aussi de la compétence du Tribunal suprême de Madrid sur ce sujet. Cette décision sur Puig pourrait faire jurisprudence.
Alors que la quasi-intégralité des votes organisés en séance plénière du Parlement sont nominaux, les votes qui portent sur l’immunité se déroulent en temps normal à main levée, dans l’hémicycle (lire l’article 190 du règlement intérieur). Mais la pratique étant impossible pour cause de Covid et de plénière organisée en ligne, la consultation s’est déroulée, cette fois, à bulletin secret. Si bien qu’il est difficile, ce mardi matin, de connaître le détail du vote des 705 élus.
Des délégations françaises se sont divisées sur le sujet. Au sein de Renaissance par exemple, le groupe des députés de la majorité présidentielle, Stéphane Séjourné n’a fait connaître que lundi midi, in extremis, sa consigne de vote : la levée de l’immunité. Ce très proche d’Emmanuel Macron n’a pas souhaité en dire davantage sur ses motivations. Mais l’ancien journaliste Bernard Guetta, lui, n’a manifestement pas suivi la ligne de Renaissance, inquiet d’éventuelles poursuites judiciaires pour un « délit politique ».
« Je voterai contre, expliquait-il à Mediapart en amont du scrutin. Je ne le ferai pas parce que j’éprouverais la moindre empathie pour l’indépendantisme catalan que je réprouve totalement, puisqu’il affaiblit l’une des grandes démocraties européennes et que l’on ne pourrait accepter un délitement des États-nations que le jour, extrêmement lointain, où il existerait des États-Unis d’Europe. Je voterai “non” car les faits reprochés à ces députés sont de nature purement politique. On ne leur reproche pas d’avoir volé, tué, violé ou même d’avoir exercé la moindre violence. On leur reproche d’avoir promu l’idée d’une indépendance de la Catalogne. Cela constitue certes un délit au regard des lois espagnoles mais ce délit est politique et je suis opposé à toute possibilité de poursuites judiciaires pour délit politique, pratique contraire aux principes mêmes de l’UE que le Parlement défend avec une constance dont je me félicite. »
Guetta, l’un des rares élus français à justifier publiquement son vote, précise encore : « Mon refus de cette levée d’immunité sera d’autant plus déterminé qu’un jour ou l’autre, les autorités espagnoles et les indépendantiste catalans auront à chercher un compromis qu’ils auraient beaucoup plus de mal à trouver si ces députés devaient maintenant se retrouver dans une prison espagnole. Le Parlement européen doit contribuer à faire baisser la tension à Barcelone et non pas à la faire monter plus encore, la dernière chose dont l’Espagne aurait besoin. »
Du côté de PS-Place publique, il n’y a pas eu de position commune officielle, alors que la cheffe du groupe des sociaux-démocrates européens, l’Espagnole Iratxe García Pérez, très proche du socialiste Pedro Sánchez au pouvoir à Madrid, s’est démenée pour que tous les élus du groupe votent pour la levée. Joints par Mediapart, Aurore Lalucq et Raphaël Glucksmann ont tout de même confirmé, pour la première, voter contre, pour le second, ne pas soutenir la levée de l’immunité.
À droite, Arnaud Danjean (LR) a expliqué à Mediapart qu’il votait pour la levée de l’immunité, « très logiquement, parce que l’Espagne est un État de droit et une démocratie ». Sollicité, Nicolas Bay (RN) n’avait pas encore, mardi matin, répondu à nos questions.
Au sein d’EELV comme de LFI, l’approche est plus homogène, contre la levée. « Le débat ne porte pas sur l’indépendance de la Catalogne, mais sur le droit de représentants du peuple, élus par des centaines de milliers de personnes, à faire entendre leur voix, avançait Manon Aubry, à la tête de la GUE, en amont du vote. Les poursuites à leur encontre sont politiques. Je m’inquiète du précédent que cela créerait, si notre Parlement n’était pas capable de défendre la libre parole de ses députés. »
Le vote en plénière lundi n’a fait que confirmer une première consultation, organisée fin février en commission des affaires juridiques (15 pour la levée, 8 contre, deux abstentions), présidée par un eurodéputé… espagnol de Ciudadanos, Adrián Vázquez (membre du groupe Renew, aux côtés de LREM au Parlement européen, mais aussi l’un des partis les plus opposés à l’indépendance de la Catalogne dans le débat espagnol). À l’époque, Manon Aubry, qui avait participé au vote dans cette commission, avait dénoncé « une parodie démocratique ». Sans surprise, les trois eurodéputés de la droite indépendantiste flamande N-VA ont voté contre la levée de l'immunité des Catalans. Ils appartiennent pourtant au groupe conservateur, l’ECR, où siègent également les députés espagnols de Vox, la formation d’extrême droite à l’origine des poursuites judiciaires contre les responsables indépendantistes catalans. La preuve, une fois de plus, de la faible cohérence politique de certains groupes de l’hémicycle.
Les trois rapports portant sur la demande de levée d’immunité ont été rédigés dans une première mouture par un ultra-conservateur bulgare, Angel Dzhambazki (VMRO), membre du même groupe que l’extrême droite espagnole de Vox au Parlement européen. Ces textes rappellent notamment que les accusations portées par le Tribunal suprême espagnol concernent une période antérieure à l’élection au Parlement européen de Puigdemont, Comín et Ponsatí. Le rapport sur Puigdemont a été validé par 400 voix (248 contre, 45 abstentions), ceux sur Comín et Ponsatí à 404 voix pour (247 contre, 42 abstentions).
Une majorité des élus chrétiens-démocrates du PPE, des sociaux-démocrates (S&D), des conservateurs (ECR) et des libéraux (Renew) ont voté la levée de l’immunité, tandis que les Verts et la GUE (gauche critique) s’y sont opposés. « Ce vote ne porte pas sur nous trois en tant qu’individus, avait mis en garde Carles Puigdemont sur Twitter avant la consultation. Il porte sur les valeurs que l’on défend, la conception de la démocratie qui nous anime, l’avenir que l’on veut construire en Europe ».
Le feu vert des eurodéputés ouvre la voie à leur éventuelle extradition vers Madrid, synonyme de plusieurs années de détention. Mais la partie est encore loin d’être gagnée pour les autorités espagnoles. En janvier, un tribunal d’appel belge a confirmé une première décision rendue l’été dernier, refusant de remettre à l’Espagne Lluís Puig, un autre ancien conseiller catalan qui s’était lui aussi réfugié à Bruxelles.
La justice belge estime notamment que les droits fondamentaux de Puig, et en particulier la présomption d’innocence, ne sont pas garantis sur le sol espagnol. Elle doute aussi de la compétence du Tribunal suprême de Madrid sur ce sujet. Cette décision sur Puig pourrait faire jurisprudence.
Alors que la quasi-intégralité des votes organisés en séance plénière du Parlement sont nominaux, les votes qui portent sur l’immunité se déroulent en temps normal à main levée, dans l’hémicycle (lire l’article 190 du règlement intérieur). Mais la pratique étant impossible pour cause de Covid et de plénière organisée en ligne, la consultation s’est déroulée, cette fois, à bulletin secret. Si bien qu’il est difficile, ce mardi matin, de connaître le détail du vote des 705 élus.
Des délégations françaises se sont divisées sur le sujet. Au sein de Renaissance par exemple, le groupe des députés de la majorité présidentielle, Stéphane Séjourné n’a fait connaître que lundi midi, in extremis, sa consigne de vote : la levée de l’immunité. Ce très proche d’Emmanuel Macron n’a pas souhaité en dire davantage sur ses motivations. Mais l’ancien journaliste Bernard Guetta, lui, n’a manifestement pas suivi la ligne de Renaissance, inquiet d’éventuelles poursuites judiciaires pour un « délit politique ».
« Je voterai contre, expliquait-il à Mediapart en amont du scrutin. Je ne le ferai pas parce que j’éprouverais la moindre empathie pour l’indépendantisme catalan que je réprouve totalement, puisqu’il affaiblit l’une des grandes démocraties européennes et que l’on ne pourrait accepter un délitement des États-nations que le jour, extrêmement lointain, où il existerait des États-Unis d’Europe. Je voterai “non” car les faits reprochés à ces députés sont de nature purement politique. On ne leur reproche pas d’avoir volé, tué, violé ou même d’avoir exercé la moindre violence. On leur reproche d’avoir promu l’idée d’une indépendance de la Catalogne. Cela constitue certes un délit au regard des lois espagnoles mais ce délit est politique et je suis opposé à toute possibilité de poursuites judiciaires pour délit politique, pratique contraire aux principes mêmes de l’UE que le Parlement défend avec une constance dont je me félicite. »
Guetta, l’un des rares élus français à justifier publiquement son vote, précise encore : « Mon refus de cette levée d’immunité sera d’autant plus déterminé qu’un jour ou l’autre, les autorités espagnoles et les indépendantiste catalans auront à chercher un compromis qu’ils auraient beaucoup plus de mal à trouver si ces députés devaient maintenant se retrouver dans une prison espagnole. Le Parlement européen doit contribuer à faire baisser la tension à Barcelone et non pas à la faire monter plus encore, la dernière chose dont l’Espagne aurait besoin. »
Du côté de PS-Place publique, il n’y a pas eu de position commune officielle, alors que la cheffe du groupe des sociaux-démocrates européens, l’Espagnole Iratxe García Pérez, très proche du socialiste Pedro Sánchez au pouvoir à Madrid, s’est démenée pour que tous les élus du groupe votent pour la levée. Joints par Mediapart, Aurore Lalucq et Raphaël Glucksmann ont tout de même confirmé, pour la première, voter contre, pour le second, ne pas soutenir la levée de l’immunité.
À droite, Arnaud Danjean (LR) a expliqué à Mediapart qu’il votait pour la levée de l’immunité, « très logiquement, parce que l’Espagne est un État de droit et une démocratie ». Sollicité, Nicolas Bay (RN) n’avait pas encore, mardi matin, répondu à nos questions.
Au sein d’EELV comme de LFI, l’approche est plus homogène, contre la levée. « Le débat ne porte pas sur l’indépendance de la Catalogne, mais sur le droit de représentants du peuple, élus par des centaines de milliers de personnes, à faire entendre leur voix, avançait Manon Aubry, à la tête de la GUE, en amont du vote. Les poursuites à leur encontre sont politiques. Je m’inquiète du précédent que cela créerait, si notre Parlement n’était pas capable de défendre la libre parole de ses députés. »
Le vote en plénière lundi n’a fait que confirmer une première consultation, organisée fin février en commission des affaires juridiques (15 pour la levée, 8 contre, deux abstentions), présidée par un eurodéputé… espagnol de Ciudadanos, Adrián Vázquez (membre du groupe Renew, aux côtés de LREM au Parlement européen, mais aussi l’un des partis les plus opposés à l’indépendance de la Catalogne dans le débat espagnol). À l’époque, Manon Aubry, qui avait participé au vote dans cette commission, avait dénoncé « une parodie démocratique ». Sans surprise, les trois eurodéputés de la droite indépendantiste flamande N-VA ont voté contre la levée de l'immunité des Catalans. Ils appartiennent pourtant au groupe conservateur, l’ECR, où siègent également les députés espagnols de Vox, la formation d’extrême droite à l’origine des poursuites judiciaires contre les responsables indépendantistes catalans. La preuve, une fois de plus, de la faible cohérence politique de certains groupes de l’hémicycle.
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