Le procès contre les prisonniers politiques catalans. Quelques informations clés pour comprendre le procès





Un an et 3 mois après les faits survenus le premier octobre 2017, après l’emprisonnement du gouvernement catalan et des principaux dirigeants de la société civile catalane, l’indépendantisme affronte le procès contre le processus d’indépendance de la Catalogne au Tribunal Suprême espagnol. Les sessions commenceront avec les questions préliminaires, et ensuite viendront les déclarations des accusés : Oriol Junqueras, Carme Forcadell, Dolors Bassa, Joaquim Forn, Raül Romeva, Josep Rull, Jordi Turull, Jordi Cuixart, Jordi Sànchez, Meritxell Borràs, Carles Mundó et Santi Vila.



Calendrier du procès
Les sessions se dérouleront du mardi au jeudi, entre10h et 18h environ, avec une heure et demi de pause déjeuner. Cette organisation évitera les transferts de la prison jusqu’au Tribunal Suprême 5 fois par semaine, et il y aura 2 jours par semaine que le Tribunal pourra consacrer aux délibérations dans le but de prononcer rapidement les sentences.

Quelques jours avant le début du procès, le Tribunal Suprême a communiqué à différents médias qu’ils se réservait la possibilité de programmer des sessions les lundi, vendredi et samedi afin d’accélérer le procès, compte tenu de la grande quantité de témoignages et de documents qui ont été acceptés.

Le tribunal Suprême espagnol souhaite que le procès s’étale le moins possible dans le temps afin de ne pas interférer avec le calendrier électoral. L’objectif est de concentrer le procès sur deux à trois mois, avant les élections européennes, municipales et autonomes du 26 mai. Si cet objectif était atteint, les sentences pourraient être rendues publiques en juin ou juillet.

Pendant le procès, les prisonniers seront détenus dans des prisons de la communauté de Madrid. Les femmes seront à Alcalà Meco, tandis que les hommes seront à la prison de Soto de Real. Et chaque jour, pendant les mois que durera le procès, ils seront transférés de la prison au Tribunal et du Tribunal à la prison, matin et soir. Ils pourront déclarer sans menottes pendant les sessions. Prisonniers et membres du Tribunal prendront leurs repas au Tribunal Suprême.

Procès télévisé
Le procès sera retransmis en direct via le site web du Tribunal Suprême (la chaîne 24Horas de la télévision espagnole TVE, retransmise uniquement en Catalogne, et la chaîne 3/24. TV3, la télévision catalane, sera aussi connectée pendant les plages horaires des informations. La réalisation sera gérée par les institutions. Il y aura 4 caméras à l’intérieur de la salle, mais ce sera le Tribunal Suprême qui décidera ce qui sera rendu visible. L’expert en analyse des images et chercheur à l’université Pompeu Fabra, Jordi Ballo, a expliqué dans une interview au journal VilaWeb toutes les clés et implications de cette façon de procéder. Selon Mr Ballo, le montage ne peut en aucun cas être neutre, et l’état espagnol l’utilisera pour bâtir une image favorable des accusations.
Observateurs internationaux
Amnesty international et International Trial Watch ont demandé au Tribunal Suprême l’accès à la salle d’audience tout au long du procès en tant qu’Observateurs Internationaux. Ils souhaitent pouvoir suivre le déroulement du procès de façon exhaustive avec une attention particulière pour les atteintes aux droits commises par le Tribunal et l’accusation. Le Tribunal Suprême a affirmé ne pas vouloir accréditer d’observateurs internationaux pendant le procès, et a fait remarquer que tout citoyen peut être observateur du procès, puisque celui-ci est télévisé. Des représentants d’Amnesty International ont affirmé que ses représentants iraient faire la queue dans la rue, pour entrer en tant que public dans la salle plénière du Tribunal. Pour ce qui concerne International Trial Watch, leur demande de rencontrer le président du Tribunal Manuel Marchena a été rejetée.
Le procès a soulevé une grande attente, et le Tribunal Suprême a reçu environ 600 demandes de médias du monde entier pour avoir un accès privilégié à la salle d’audience. Le conseil général du pouvoir judiciaire a mandaté deux juges pour gérer les correspondants de la presse internationale. Cette information est compilée dans un dossier commandé par Josep Borrel, ministre des affaires étrangères espagnol. Le dossier a été remis aux médias internationaux, afin de partager la version du gouvernement espagnol sur le procès.

Le lieu du Procès
Le Tribunal Suprême espagnol n’est pas dimensionné pour gérer des procès, et encore moins des macro-procès comme celui-ci : c’est un petit bâtiment ancien, avec beaucoup de limitations techniques, notamment l’impossibilité d’y projeter des enregistrements vidéo. C’est pour cela que les locaux du Tribunal d’Audience espagnol avait été proposés, ainsi que d’autres salles destinées à accueillir des grands procès. Mais au final, ce sera dans la salle de réunions plénières des bâtiments du Tribunal Suprême que se tiendra le procès, tout comme lors des séances préparatoires pour lesquelles seuls les avocats avaient été convoqués.

Liste des Témoins
Le tribunal a accepté la presque totalité des témoignages proposés par le parquet, les avocats de l’Etat, et l’accusation populaire de Vox. Par contre, plus de 50 témoignages de la défense ont été rejetés, certains d’entre-eux étant considérés par la défense comme fondamentaux, auxquels s’ajoutent beaucoup de rapports d’expertise et documents clés.

L’ex-president espagnol Mariano Rajoy, l’ex-vice-présidente, Soraya Sáenz de Santamaría, l’ex-ministre des finances Cristóbal Montoro, l'ex-délégué du gouvernement Enric Millo viendront témoigner Comparaîtront également Artur Mas, ex-président du gouvernement catalan, le président du gouvernement basque, Iñigo Urkullu, le président du parlement catalan, Roger Torrent, le Major des Mossos, la police catalane, Josep Lluís Trapero, des députés tels que Gabriel Rufián, Joan Tardà, l’ex-coordinatrice du Parti Démocrate Catalan PDECat Marta Pascal et la mairesse de Barcelone Ada Colau. Et aussi des citoyens blessés le premier octobre et des agents de la Police espagnole et de la Guàrdia Civil. Devront aussi déclarer en tant que témoins les ex-députés de la CUP David Fernàndez, Eulàlia Reguant,Mireia Boya, Antonio Baños, l’ex-député de ‘Catalunya Sí que es Pot Albano Dante-Fachín et des membres du collectif En Peu de Pau (sur le pied de Paix) Marina Garcés, Jordi Armadans et Ruben Wagensberg.

Par contre, certaines demandes d’audition ont été refusées: Carles Puigdemont, ex-président du gouvernement catalan, Marta Rovira, ex-députée du parlement catalan et vice-présidente du parti Esquerra Republicana, médiateur Rafael Ribó, médiateur de la Catalogne, David Kaye, rapporteur spécial des Nations Unies pour la liberté d’expression, et Alfred de Zayas, expert indépendant pour la promotion d’un ordre international démocratique juste, du haut commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. Ne seront pas non plus auditionnés Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, Nils Muizenieks, commissaire des droits de l’homme au Conseil d’Europe, et pas non plus Kartik Raj, auteur du rapport de Human Rights Watch à propos de la violence de la police espagnole le premier Octobre 2017. Le Tribunal n’a pas voulu accepter non plus les témoignages de deux prix Nobels qui avaient participé à la campagne ‘Let Catalans Vote’, Jody Williams i Ahmed Galai; ni le linguiste Noam Chomsky, ni le sociologue Richad Sennett ni l’historien Paul Preston.

Deux autres témoins refusés: le roi d’Espagne, Felipe VI, et le porte-parole du Parti Populaire espagnol au sénat, Ignacio Cosidó, qui avait déclenché une polémique en décembre dernier après que certains de ses messages Whatsapps avaient été diffusés. Ces messages concernaient le renouvellement des juges espagnols et avaient éclaboussé le président du tribunal de ce procès, Manuel Marchena, à propos de qui il disait qu’il pouvait contrôler la procédure judiciaire dans l’ombre. Une des preuves que le tribunal n’a pas admise et qui avait été demandée par la défense de Jordi Cuixart est une étude qui prétend démontrer techniquement que ni lui, ni Jordi Sànchez, ni les manifestants du 20 septembre 2017 n’avaient agi de façon violente, pas plus que les dirigeants politiques et les citoyens le premier octobre 2017. Cette étude émane d’un expert de Scotland Yard, Hugh Orde, et de Duncan McCausland, membre à vie de l’Association des Responsables de la Police du Royaume Uni.

Les sept juges du Tribunal
Sept magistrats constituent la chambre qui jugera les prisonniers politiques et les autres accusés. Le président, qui assurera la déclaration du verdict, est Manuel Marchena, un des hommes de confiance de José Maria Aznar quand il était président du gouvernement Espagnol. Il y a quelques mois, Marchena et quatre autres juges avaient été récusés par la défense des prisonniers de la liste des juges susceptibles de juger le cas des prisonniers politiques catalans, mais le Tribunal Suprême n’en a finalement pas tenu compte

Voici ces 7 juges :

Manuel Marchena : C’est le juge qui présidera. Procureur pendant les années les plus difficiles de la présidence de José María Aznar, entre 2003 et 2004, il fut le bras droit du Procureur général de l’Etat espagnol, l’ultra-conservateur Jesús Cardenal. Plus tard, Marchena a été désigné magistrat du Tribunal Suprême, et depuis 2014, il dirige la seconde chambre, grâce à une majorité conservatrice du Conseil Général du Pouvoir Judiciaire. Marchena a présidé le procès de l’ex-president du parlement basque Juan Maria Atutxa : inéligible pour n’avoir pas voulu dissoudre le groupe Sozialista Abertzaleak après que le parti politique Batasuna ait été déclaré illégal et dissous. L’an dernier, le Tribunal de Strasbourg a condamné l’Espagne pour cette inéligibilité. C’est pendant qu’il présidait la seconde chambre que le Tribunal Suprême a classé les accusations du parti politique Convergencia Democràtrica de Catalunya, CDC contre l’ex-ministre de l’Intérieur espagnol Jorge Fernández Díaz et l’ex-directeur de l’Office anti-fraude de Catalogne Daniel de Alfonso pour révélation de secrets, corruption et détournement de fonds dans le cadre de l’ « Opération Catalogne » contre l’indépendantisme.

Andrés Martínez Arrieta: Depuis décembre 2018, il est le second magistrat du Tribunal Suprême qui a des compétences pour contrôler les activités des services secrets espagnols (CNI). Il a été un des juges qui, en 2011, a rendu une sentence d’absolution pour les quatre agents de la Guardia Civil qui avaient torturé Igor Portu et Mattin Sarasola, condamnés pour l’attentat de Barajas. Ces agents avaient été préalablement condamnés pour tortures aggravées et lésions par le Tribunal d’Audience de Guipúscoa à des peines de prison et à une révocation, mais le Tribunal Suprême les a ensuite absous. Cette année, le Tribunal Européen des Droits de l’Homme a condamné l’Etat espagnol à indemniser Portu et Sarasola pour blessures morales et pour ne pas avoir enquêté sur les tortures. 

Juan Ramon Berdugo : il est membre du secteur le plus conservateur de l’Association Professionnelle de la Magistrature. C’est un des autres juges de ce Tribunal qui a acquitté les gardes civils qui avaient été accusés de tortures.

Luciano Varela : Il est fondateur de l’association « Juges pour la démocratie », et a participé au procès de l’ex-juge Baltasar Garzon, accusé d’avoir enquêté sur les crimes du franquisme. Varela avait réussi à indiquer quelles corrections devaient faire aux documents les avocats de La Falange et de Manos Limpias (Mains Propres) pour pouvoir porter Garzon en justice.

Antonio del Moral : A la rejoint le Tribunal Suprême en 2012 et est connu pour sa forte implication dans l’Opus Dei. Il est par exemple intervenu pendant la cérémonie de clôture des journées dédiées au centenaire du fondateur de cette organisation en 2012. Antonio del Moral a été le juge qui a rabaissé la sentence de Iñaki Urdangarin, qui avait été condamné à 6 ans et 3 mois de prison et Antonio del Moral a rabaissé la sentence à cinq ans et dix mois de prison.

Ana María García Ferrer : Magistrate de la seconde Chambre du Tribunal Suprême, elle a auparavant instruit le procès Roldàn et aussi présidé le Tribunal de l’Audience de Madrid.

Andrés Palomo : Il est entré dans la seconde chambre du Tribunal Suprême en 2014. Normalement, le fait qu’il ait été juge instructeur pour le procès de l’ex-conseiller à la Présidence de la Generalitat de Catalogne Francesc Homs pendant la consultation populaire du 9 Novembre 2015 aurait dû automatiquement invalider sa présence dans ce Tribunal.



Les avocats de la défense Andreu Van den Eynde, avocat d’Oriol Junqueras et Raül Romeva.

Jordi Pina, avocat de Jordi Sànchez, Jordi Turull et Josep Rull.

Marina Roig , avocate de Jordi Cuixart.

Olga Arderiu, avocate de Carme Forcadell et Anna Simó.

Xavier Melero , avocat de Joaquim Forn, Meritxell Borràs, Lluís Guinó et Lluís Coromines.

Judith Gené, avocate de Ramona Barrufet.

Mariano Bergés, avocat de Dolors Bassa.

Pau Molins, avocat de Santi Vila. Josep Riba, avocat de Carles Mundó.

Carles López Miquel Mireia Boya.

Enrique Leiva, avocat de Joan Josep Nuet.

Les accusés et les accusations
Il y a en tout 22 accusés, dont 12 seront jugés par le Tribunal Suprême de Justice espagnol. Six autres, accusés de désobéissance seulement, seront finalement jugés au Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne. Et le Major Trapero et son adjointe seront jugés par le Tribunal d’Audience espagnol. Voici un récapitulatif des noms avec les accusations portées par l’Accusation et par le Parquet (en italique les accusations de la part des avocats de l’Etat).

Au Tribunal Suprême espagnol

Oriol Junqueras. Rébellion et détournement de fonds publics- 25 ans de prison et 25 ans d’inéligibilité/ 12 ans de prison et 12 ans d’inéligibilité pour sédition et détournement de fonds

Jordi Sànchez - Rébellion - 17 ans de prison et 17 ans d’inéligibilité/ 8 ans de prison pour sédition

Jordi Cuixart - Rébellion - 17 ans de prison et 17 ans d’inéligibilité/ 8 ans de prison pour sédition

Carme Forcadell - Rébellion - 17 ans de prison et 17 ans d’inéligibilité/ 11.5 ans de prison pour sédition

Jordi Turull. - Rébellion et détournement de fonds publics- 16 ans de prison et 16 ans d’inéligibilité/ 11.5 ans de prison et 11.5 ans d’inéligibilité pour sédition et détournement de fonds

Raül Romeva - Rébellion et détournement de fonds publics- 16 ans de prison et 16 ans d’inéligibilité/ 11.5 ans de prison et 11.5 ans d’inéligibilité pour sédition et détournement de fonds

Joaquim Forn - Rébellion et détournement de fonds publics- 16 ans de prison et 16 ans d’inéligibilité/ 11.5 ans de prison et 11.5 ans d’inéligibilité pour sédition et détournement de fonds

Josep Rull - Rébellion et détournement de fonds publics- 16 ans de prison et 16 ans d’inéligibilité/ 11.5 ans de prison et 11.5 ans d’inéligibilité pour sédition et détournement de fonds

Dolors Bassa - Rébellion et détournement de fonds publics- 16 ans de prison et 16 ans d’inéligibilité/ 11.5 ans de prison et 11.5 ans d’inéligibilité pour sédition et détournement de fonds

Carles Mundó – désobéissance grave et détournement de fonds - 7 ans de prison et 16 ans d’inéligibilité - Amende journalière de 100 euros pendant 10 mois / 10 ans de prison et 10 ans d’inéligibilité pour désobéissance grave et détournement de fonds

Meritxell Borràs - Désobéissance grave et détournement de fonds - 7 ans de prison et 16 ans d’inéligibilité - Amende journalière de 100 euros pendant 10 mois / 10 ans de prison et 10 ans d’inéligibilité pour désobéissance grave et détournement de fonds

Santi Vila - Malversation et désobéissance grave - 7 ans de prison et 16 ans d’inéligibilité - Amende journalière de 100 euros pendant 10 mois / 10 ans de prison et 10 ans d’inéligibilité pour désobéissance grave et détournement de fonds

Au Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne

Mireia Boya - Désobéissance grave - Amende journalière de 100 euros pendant 10 mois / amende pendant 8 mois et inéligibilité de 1 an et 4 mois pour désobéissance grave

Lluís Maria Coromines - Désobéissance grave - Amende journalière de 100 euros pendant 10 mois / amende pendant 10 mois et inéligibilité d’un an et 8 mois pour désobéissance grave

Lluís Guinó - Désobéissance grave - Amende journalière de 100 euros pendant 10 mois / amende pendant 10 mois et inéligibilité d’un an et 8 mois pour désobéissance grave

Anna Simó - Désobéissance grave - Amende journalière de 100 euros pendant 10 mois / amende pendant 10 mois et inéligibilité d’un an et 8 mois pour désobéissance grave

Ramona Barrufet - Désobéissance grave - Amende journalière de 100 euros pendant 10 mois / amende pendant 10 mois et inéligibilité d’un an et 8 mois pour désobéissance grave

Joan Josep Nuet - Désobéissance grave. Amende journalière de 100 euros pendant 10 mois / amende pendant 8 mois et inéligibilité d’un an et 4 mois pour désobéissance grave

Au Tribunal d’Audience Espagnol:

Josep Lluís Trapero - Rébellion - 11 ans de prison et 11 ans d’inéligibilité

Pere Soler - Rébellion - 11 ans de prison et 11 ans d’inéligibilité

Cèsar Puig - Rébellion - 11 ans de prison et 11 ans d’inéligibilité

Teresa Laplana - Sedition - 4 ans de prison

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