Le Procès de l'indépendantisme catalan commence. De quoi sont-ils accusés ? Pourquoi le procès pourrait-il se retourner contre l'Espagne ?



Le 12 février 2019 devrait commencer à Madrid le procès de l'indépendantisme catalan. L'ancienne présidente du Parlement catalan démocratiquement élue, le vice-président du gouvernement catalan et quatre des membres de ce gouvernement ainsi que deux personnalités pacifiques de la société civile catalane risquent des peines pouvant atteindre 25 ans de prison.


Ce procès est la seule réponse espagnole au conflit politique avec la Catalogne.

Un pays comme l'Espagne, qui a toujours refusé de reconnaître la diversité de ses habitants, n'a jamais pu supporter la particularité catalane qu'elle a toujours traitée avec mépris et de manière violente : « Barcelone doit être bombardée tous les 50 ans », avait dit le général Espartero en 1842. Il suffit de se souvenir que durant les cent dernières années,dix des douze présidents de la Generalitat ont été soit inhabilités, soit exilés, soit emprisonnés, soit fusillés.

Cette fois-ci ce sera différent, en effet le procès peut se retourner contre eux, et les Catalans présenteront ce procès comme le procès de l'absence de démocratie en Espagne afin que le monde entier s'en rende compte, ce qui inquiète beaucoup, vraiment beaucoup en Espagne.

De quoi les prisonniers politiques sont-ils accusés ?

Fondamentalement, ils sont accusés d'avoir organisé et permis la tenue d'un référendum illégal . Le 1er octobre 2017, le gouvernement catalan a organisé un référendum pour que les Catalans puissent se prononcer sur l'indépendance, comme l'avaient fait auparavant le Québec au Canada ou l'Ecosse au Royaume-Uni.

Le Tribunal constitutionnel espagnol a interdit le référendum mais le gouvernement catalan a continué sur sa lancée. Le gouvernement espagnol a alors envoyé 3000 policiers en Catalogne pour empêcher la tenue du scrutin. Ceux-ci ont exercé une répression extrêmement violente sur tous les citoyens qui avaient décidé de sortir de chez eux pour aller voter pacifiquement.

Les images de la police réprimant les citoyens catalans ont fait le tour du monde.

Malgré tout, plus de deux millions de Catalans sont allés voter et la police a saisi 700.000 bulletins de vote à coups de matraque. 90% des suffrages exprimés l'ont été en faveur de l'indépendance.

L'incapacité absolue de l'Espagne à trouver des solutions pacifiques à un problème politique s'est transformée en une vengeance qui a pris la forme d'un procès pipé.

Pourquoi ce procès est-il une honte ?

La réponse espagnole a été la réponse classique de tous les Etats répressifs depuis le Moyen Age : à travers ce procès l'Etat espagnol prétend donner une leçon, exercer une vengeance contre les organisateurs et mettre en garde l'ensemble de la société catalane. Les peines réclamées par le ministère public vont jusqu'à 25 ans de prison (74 ans réclamés par l'accusation populaire du parti d'extrême-droite Vox).

25 ans de prison pour avoir mis en place des urnes dans un pays qui se dit démocratique

L'organisation de référendums ne pouvant pas être considérée comme un délit (elle avait été supprimée du code pénal quelques années auparavant), l'Etat espagnol a inventé un discours où s'inscrit sa vengeance : le récit de l'usage de la violence.

Les juges européens écartent les arguments espagnols

Afin de pouvoir accuser les prisonniers politiques de rébellion, l'Etat espagnol a inventé un récit selon lequel le référendum avait été « violent » et les organisateurs des gens violents également. Sur la base de ces arguments totalement fallacieux, ils ont demandé à l'Europe de détenir et d'extrader l'autre moitié du gouvernement catalan qui était en exil.

Autre preuve honteuse de la médiocre qualité de la démocratie espagnole. La justice belge, la justice suisse, la justice allemande et la justice écossaise ont refusé d'extrader les exilés sur la base d'un soulèvement violent parce que, tout simplement, celui-ci n'avait pas existé.

Les juges européens de quatre pays n'ont vu nulle part les charges de violence que l'Etat espagnol a inventé pour justifier les peines de rébellion et se sont donc opposés à l'extradition.

Un an et demi d'emprisonnement sans procès

Certains des prisonniers politiques auront passé 480 jours en prison préventive avant d'être jugés. Il s'agira de l'une des durée de prison préventive (sans procès) les plus longues de l'histoire espagnole. Bien qu'ils ne soient pas dangereux et qu'ils se soient présentés volontairement pour déclarer et bien que certains d'entre eux aient des enfants très jeunes ou en bas âge, la liberté provisoire leur a été refusée. Par ailleurs, ils ont été enfermés pendant la plus grande partie de leur emprisonnement dans des établissements pénitentiaires situés à 600 kilomètres de leurs familles. Ils ont également dû supporter des traitements dégradants de la part de la police espagnole, certains ayant pu être captés par les caméras de journalistes.

Amnesty international, le Parlement écossais, l'Organisation mondiale contre la torture, le PEN Club américain ou les évêques catalans, parmi de nombreux autres organismes, ont dénoncé que la prison préventive était dans ce cas injustifiée et ont demandé, sans succès, la libération des prisonniers politiques.

L'extrême-droite juge de la démocratie ?

Pour une raison que personne ne comprend, le parti d'extrême-droite VOX a réussi à se porter accusation populaire au procès.

Que l'extrême-droite puisse avoir cette plateforme judiciaire en Espagne démontre bien les liens profonds que le franquisme possède encore avec la justice espagnole qui n'a jamais fait face à une remise en question de son adhésion au régime de Franco.

La misérable qualité de la justice espagnole

S'il est un pays européen qui a démontré de manière réitérée que sa justice est d'une médiocre qualité, c'est bien l'Espagne. Un exemple scandaleux : cinq violeurs connus sous le nom de « la meute », parmi lesquels un policier et un militaire, bien qu'ayant été condamnés pour le viol en bande d'une jeune femme, sont actuellement en liberté malgré cette condamnation et malgré une nouvelle arrestation suite à un vol commis dans un magasin.

Mais les cas où la justice espagnole a montré qu'elle était une honte sont légion.

Abominations juridiques comme l'affaire « Castor », changement de critères dans le fonctionnement des hypothèques en faveur des banques ou encore longue liste des manipulations politiques pour placer des juges du même bord aux postes clef de l'appareil judiciaire, démontrent sans aucun doute possible que la justice espagnole est au service de la politique et de ses intérêts économiques . Cette affirmation apparaît donc incontestable.

La manipulation à l'échelle internationale

Conscient de l'impossibilité de justifier la répression violente contre un référendum pacifique, l'Etat espagnol a lancé une campagne pour justifier internationalement sa propre barbarie, utilisant pour cela tous ses recours diplomatiques et économiques pour soudoyer certains pays afin d'éviter que ceux-ci ne prennent position en faveur du procès (cela a été reconnu par le ministre des Affaires étrangères lui-même), passer sous silence certains faits, nier des évidences, boycotter certaines conférences de presse à l'étranger, installer des matériels d'espionnage dans la voiture du président Puigdemont, essayer de faire taire les voix catalanes de l'étranger en fermant les Délégations de la Generalitat partout dans le monde. Ils en sont même arrivés à des extrémités ridicules comme celle d'accuser de « fake news » la BBC en direct.

Pendant ce temps, le gouvernement espagnol a refusé le statut d'observateurs internationaux durant le procès à des organisations de défense des droits de l'Homme, telle Amnesty international, arguant que le procès serait télévisé.

Le vrai jugement sera celui rendu par le Tribunal européen des droits de l'Homme

Ce manque d'impartialité évident laisse imaginer que la sentence est déjà écrite et que les prisonniers politiques seront condamnés à de lourdes et injustes peines de prison et qu'ils devront faire appel devant la justice européenne -- comme dans le cas Otegi où le tribunal de Strasbourg avait conclu que l'ex-leader de Batasuna n'avait pas eu un procès juste en Espagne -- et que cela signifiera la condamnation européenne de l'Espagne.

Conscients de cela, les juges espagnols ont accepté tous les recours et les ont, littéralement, « enfermés dans un tiroir » pour que le procès judiciaire s'éternise et ne puisse être mis entre les mains du Tribunal européen. C'est pourquoi quatre des prisonniers politiques ont protesté pour leur défense par une grève de la faim de vingt jours qui a mis leur vie en danger.

La réponse de la société catalane
L'Assemblea Nacional Catalana, Omnium Cultural, JxCat, ERC et la CUP ainsi que de nombreuses organisations politiques, syndicales, sociales, associations de voisins, préparent différentes actions et mobilisations qui seront menées à bien dans le cadre du procès prévu pour le 12 février 2019. Ils l'ont fait sous le slogan « L'autodétermination n'est pas un délit ».

Pour plus d'informations :
Guia del Judici (Guide du procès)
Guide du proces

La TV francesa: "La justícia alemana y la belga hacen frágil la acusación espanyola"

(La télévision française : « La justice allemande et la belge fragilisent l'accusation espagnole »)

Reports internationales

l'Espagne sur le point d'être qualifiée de « démocratie défectueuse » à cause de la « répression » en Catalogne

En Catalogne, les procès que l’Espagne ne peut pas gagner

Le destin des présidents de la Catalogne

L'inquisition espagnole », éditorial du Times sur le procès du Procès

Campagne pour la liberté des prisonniers

Un rapport juridique accrédite la violation des droits de l'Homme en Catalogne depuis 2017

Source :
Catalans Al Món, Vendredi 8 février 2019 

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