Me Xavier Melero désactive deux informations explosives dans la salle du Suprême



Avec l'interrogatoire complet des ex-commissaires Castellví et Quevedo le "facteur Mossos" se dissipe et disparaît de l'accusation de rébellion.

Sans le Corps des Mossos (police catalane) il n’y a pas de rébellion. C’est l’une des rumeurs qui circule ces jours-ci parmi la presse madrilène présente au Tribunal Suprême espagnol; un mois après le début du procès, cette presse prend enfin conscience de l’énorme difficulté des accusations à montrer qu'il y a eu des violences lors des événements de l'automne 2017 qui pourraient justifier une condamnation pour rébellion ou sédition. C’est la raison pour laquelle la déposition de Manuel Castellví, interrogé par le parquet et le reste des accusations, a suscité une certaine euphorie, car ils y ont vu, pour la première fois, un point faible dans les exposés des défenses ; le procureur, Javier Zaragoza, et la presse progouvernementale de Madrid ont flairé l’odeur du sang et ils s’y sont jetés. Parce que Castellví, dubitatif, la voix tremblante et la sueur au front, semblait mettre les pieds dans le plat quand il a dit qu'ils avaient prévenu le gouvernement peu avant le 1-O de la possibilité d’une « escalade de la violence » le jour du référendum. La séance a donc été suspendue jeudi dernier jusqu'à aujourd'hui (lundi) : quatre jours avec une information explosive au beau milieu de la salle d’audience du Tribunal suprême, prête à exploser. Jusqu’à ce que ce matin Me Xavier Melero la désactive. De nouveau, le facteur Mossos qui aurait pu justifier le délit de rébellion se dissipe et disparaît.

L’avocat de Joaquim Forn a débuté les interrogatoires des défenses de manière directe et calculée au millimètre près, ce qui a permis à Castellví de réagir avec la concision, la brièveté et la clarté dont il avait manqué la semaine dernière. Une première idée principale a émergé de cet interrogatoire : trois jours avant le référendum, « les actes de violence n'étaient pas prévus ». En effet, lors d'une réunion le 28 septembre 2017 avec les chefs de la police espagnole et de la Guardia civil, « les trois organes sont convenus qu’ils ne trouveraient dans les bureaux de vote que des activités et des personnes opposant une résistance pacifique à une éventuelle action de la police ». Limpide. Quelques jours auparavant, ils avaient parlé avec le gouvernement du risque d’actes violents, comme dans tout rapport de risques de la police en prévision de rassemblements de masse. Mais Castellví, n’a eu ni le temps ni la capacité de le dire lors de l’interrogatoire du corrosif procureur Javier Zaragoza, qui, jeudi dernier, l’avait baladé et emmené là où il avait voulu. L’ex-commissaire à l’information a ajouté aujourd’hui, à la suite des questions posées par Me Melero, une autre information importante : l’éventualité que des groupes qu’il qualifiait d’« indépendantistes radicaux » puissent agir ne s’est pas concrétisée. Ni violence ni indépendantisme radical. Puis une autre question, l’avant-dernier lien désamorcé et coupé par Me Melero : « L’attitude du gouvernement était-elle de vouloir changer le plan d’action que vous aviez conçu ? » Réponse : « Non ». Il n'y a plus de questions, Votre Honneur.

Une information révélatrice
Ce point a été important aujourd’hui : dissocier la volonté des commandements du Corps des Mossos de faire respecter le mandat du juge afin d'empêcher la tenue du référendum, d'une part, de la détermination des politiciens pour aller jusqu’au bout, d'autre part. Carles Puigdemont, Oriol Junqueras et Joaquim Forn en avaient parlé lors d’une réunion le 28 septembre au Palau de la Generalitat avec les cinq commissaires du Corps des Mossos présents. Ces commissaires leur avaient transmis leurs inquiétudes liées au "climat tendu dans le pays" et à l'inconfort causé par certaines déclarations publiques faites par des membres du gouvernement. L'ancien commissaire de la planification du Corps des Mossos, Emili Quevedo, a donné des détails aujourd'hui lors de son interrogatoire, qui a suivi celui de Castellví. Quevedo aurait pu ne pas déclarer s'il l'avait voulu, car il fait l'objet d'une enquête du juge d’instruction du tribunal de Cornellà, accusé de désobéissance, à la suite du 1-O.

Quevedo a voulu répondre à tout le monde. Au début, il semblait que ses réponses pourraient constituer un nouvel artefact prêt à exploser contre les défenses des accusés, en particulier contre celle du ministre Joaquim Forn. Il s’est plaint des déclarations de Forn qui, peu après sa prise de fonctions, avait dit que, le 1-O, les Mossos se comporteraient comme lors d’une journée électorale ordinaire. "Nous ne pouvions pas agir comme lors de n'importe quelle autre journée électorale, car c'était un acte politique qui avait été interdit", a fait remarquer Quevedo. Plus tard, “l’artificier” Me Melero lui a expliqué que lorsque Forn avait déclaré cela, "l’acte politique" n'avait pas encore été interdit. On aurait pu penser que, suite à ces déclarations, Quevedo aurait fini par consolider le discours de l'accusation visant à incriminer le Corps des Mossos et, par ricochet, Forn et l'ensemble du gouvernement, discours selon lequel il y aurait eu un manque d'effectifs le 1-O, un manque d’action et une connivence avec le référendum. Mais non. L’ancien commissaire a démontré que, en réalité, ce n’était pas une journée électorale ordinaire et que, pour cette raison, 7.800 agents avaient été déployés, et non les 3.000 agents habituellement déployés lors des élections ordinaires.

Un nouveau court-circuit pour le Ministère Public. Celui-ci avait réussi depuis des mois à faire croire que les 6.000 ou 7.000 agents du Corps des Mossos déployés étaient insuffisants pour assurer la sécurité citoyenne du 1-O. Le responsable de la planification leur a donné une information qu’ils semblaient ignorer : un effectif de 3.000 agents pour les « élections normales » et non de 11.000 agents. Mais il y avait encore un autre câble à désamorcer, très important : celui de la plainte déposée par Quevedo contre les déclarations publiques des dirigeants de la Generalitat sur la prééminence, pour empêcher le référendum, de la “coexistence citoyenne” sur l'efficacité, stipulée par le mandat du 27 septembre de la magistrate Mercedes Armas. "Un élément a été mal utilisé", a commencé à expliquer Quevedo, peu sûr de lui, parlant très lentement, mesurant les mots qu'il utilisait : "C’était la question de savoir comment le gouvernement allait expliquer aux citoyens les principes devant régir les actions de la police. Le gouvernement le présentait comme une opposition entre principes d'action et exécution du mandat de la juge. Comme si une chose devait prévaloir sur l’autre. Nous nous sommes plaints de cela".

La dissipation du "facteur Mossos" dans la qualification de la rébellion
Le procureur Zaragoza n’arrêtait pas de fouiller, essayant de faire mouche, dépassant outrageusement les bornes, forçant Marchena à intervenir et à le rappeler à l’ordre, tentant d'aller au fond des choses, cherchant l'erreur, à la recherche d’un fil sur lequel tirer, aussi fin soit-il, lui permettant d’étendre l’accusation de rébellion, celle de l’affabulation violente et organisée lancée contre les pouvoirs de l'État pour déclarer l’indépendance. L’efficacité ou la coexistence citoyenne ? Les uns (la police espagnole et la Guardia Civil) cherchaient la première option à tout prix, tout en sachant qu'il était physiquement impossible de respecter le mandat de la juge avec des millions d'électeurs mobilisés ; les autres (les Mossos) ont donné la priorité à la seconde option. C’est l’un des arguments formant la colonne vertébrale des défenses, et il a semblé pendant un instant que cette colonne vertébrale pouvait chancelée sous les propos de Quevedo. Mais le doute s’est évanoui lorsque l'avocat Me Melero a demandé à l'ancien commissaire : "Cette prééminence a-t-elle eu des conséquences sur vos directives d'action ?" Réponse : "Non". Me Melero: "Aviez-vous introduit une quelconque modification dans le dispositif du 1-O pour cette raison ? 'Réponse : “Non”.

Comment peut-on accuser le Corps des Mossos d’avoir agi dans l’intention d’encourager un soulèvement violent et tumultueux alors qu’ils avaient envisagé toutes les possibilités, en avaient parlé et les avaient partagées avec les forces de police espagnoles, qu’ils s’étaient dissociés des déclarations de leurs dirigeants politiques et avaient organisé un énorme dispositif constitué d’effectifs très importants qui devaient arriver dans tous les coins de la Catalogne sous la forme de binômes d'agents qui devaient donner la priorité à la médiation et non à la violence contre les électeurs ? Et qu’ils avaient même prévu l’usage de la force dans les situations qui l'auraient exigé ? Avec tout cela il est très difficile de maintenir une accusation telle que celle présentée par le procureur, l’avocate générale et l'extrême-droite. Les déclarations des commissaires Castellví et Quevedo rendent plus clair le rôle du major Josep Lluís Trapero, cité à témoigner jeudi. Déclarera-t-il ? Il peut ne pas le faire, car en tant qu’inculpé à l’Audience espagnole –accusé de rébellion – il peut s’y refuser. Mais il a maintenant devant lui le chemin relativement débroussaillé pour corroborer les exposés que ses deux anciens commissaires ont déjà commencés et répondre à l’avalanche d’accusations que les commandants de la police espagnole ont déversée sur lui la semaine dernière.

Le nouveau paradigme
Sans les Mossos il n’y a pas rébellion, dit quelqu'un dans les couloirs du Tribunal suprême. Les actes d'accusation et le dossier d'instruction du juge Pablo Llarena insistent sur le fait que la Generalitat disposait de la force coercitive de « dix-sept mille hommes armés » lui permettant de justifier la violence armée, même si ce n'était que d'une manière potentielle ou intentionnelle. Mais cet élément a déjà perdu beaucoup de force. Et plus encore après les déclarations des anciens commissaires. La thèse officieuse qui s’impose maintenant à la presse madrilène est celle de la rébellion violente sans besoin d’armes. Parce qu’ils ont déjà vu qu’ils n’obtiendraient rien du côté des Mossos. Aujourd'hui, Enrique Gimbernat a publié un article dans le quotidien El Mundo reposant sur cette thèse. Gimbernat est professeur de droit pénal, membre du comité de rédaction du journal et, désormais, une voix autorisée par l'État. Ou, plutôt, pour parler au nom de l’Etat, parce que son point de vue sur la rébellion et la sédition c’est ce que Josep Borrell avait présenté à la presse internationale pour tenter de l’intoxiquer juste un peu avant le début du procès. Dans son article d'aujourd'hui, Gimbernat compare la déclaration d'indépendance à un viol affirmant qu'il suffisait qu’il y ait de la violence pour qu’il y ait rébellion, que les armes n’étaient pas nécessaires. Alors, quelle violence y a-t-il eu le 1-O ? Ces derniers jours, les accusations se sont consacrées, à perfectionner le récit des "murs humains" et des "parapets formés par les enfants et les grands-parents" afin d’empêcher de force, de manière "organisée et hiérarchisée", l’intervention de la police espagnole et de la Guardia civil pendant le 1-O. Il n'y aura peut-être pas de "facteur Mossos", mais ils feront leur possible pour démontrer qu’il y a bien eu rébellion.

Plus d’informations

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QUE SE PASSERA-T-IL DEMAIN ?
Demain l’intensité du procès baissera pour ce qui est des déclarations des témoins, dans l’attente des journées de mercredi et de jeudi, quand seront cités à déclarer non seulement le major Josep Lluís Trapero, mais aussi l’ancien secrétaire général de la vice-présidence, de l’Economie et de la Trésorerie Josep Maria Jové, l’ancien juge Santi Vidal et l’ex-directeur de l’Institut d’Études du gouvernement autonome, Carles Viver i Pi Sunyer, entre autres. Demain sera le tour de José Oriol González, gérant de l’entreprise Buzoneo Directo SL ; de Rosa Maria Sans et d’Enrique Mary Iriarte, employés d’Artyplan SL de Vic ; et d’Enric Vidal, coordinateur d’Action Politique d’ERC (Esquerra republicana de Catalunya).


Source Xavier Melero desactiva dos artefactes perillosos a la sala del Suprem (catalan)

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