Me Melero dit stop à la morgue de Zaragoza et aux mensonges de Vox



En deux questions ironiques posées au commissaire Molinero, l'avocat renverse les fausses interprétations du procureur espagnol sur la violence policière.

Me Melero arrive à la fin de son interrogatoire à Joan Carles Molinero, le commissaire du corps des Mossos, lequel a repris, dans le détail, le témoignage entendu la veille, celui de Ferran López. Me Melero a progressivement réussi à obtenir du commissaire des déclarations sur la volonté de l'état-major des Mossos de se coordonner avec la Guardia civil et la police espagnole le 1er octobre, sur la prévision qui avait été faite que la mobilisation qu'il pourrait y avoir serait de caractère pacifique et que Joachim Forn n'était pas intervenu dans l'élaboration du dispositif policier. Mais l'avocat à quelque chose à régler avec procureur Javier Zaragoza ; il ne peut laisser passer l'insinuation sur laquelle il vient de d'achever l'interrogatoire du commissaire. Questions de Me Melero à Joan Carles Molinero :

- Vous avez été interrogé sur les interventions des unités Arro le 1er octobre et il vous a été demandé si ces unités n'avaient pas fait usage de la force. Ces unités ont-elles ou non fait couler le sang parmi les citoyens présents dans les bureaux de vote?
- Non, absolument pas.
- J'imagine que si elles avaient fait couler le sang vous auriez lancé les recherches disciplinaires qui se seraient imposées dans ce cas pour en trouver les responsables...

Le visage de Molinero exprime tout d'abord de la surprise, l'air de dire « mais qu'est-ce qui lui prend ? » Alors il lui demande d'être plus clair :

- Pour les interventions de l'Arro ? Parce qu'ils n'ont pas fait couler le sang ?
- C'est ça.

Le visage du commissaire se détend. Il vient de comprendre l'ironie.

- Eh bien, je pense que non.
- Merci.

Une demi-minute d'ironie comprise par tous a suffi à Me Melero pour faire une clé de judo à Zaragoza, assortie d'une luxation du piège argumentaire dans lequel le procureur venait de faire tomber le commissaire Molinero, piège argumentaire absolument central dans le récit de l'Accusation. Autrement dit, selon Zaragoza, si parmi les milliers d'agents du corps des Mossos d'Esquadra déployés dans les bureaux de vote le 1-O, il n'y a pas eu un seul blessé, c'est l'illustration de l'inefficacité planifiée du corps pour permettre le vote, gêner l'exécution des ordres de la magistrate pour empêcher la tenue du référendum et aider le gouvernement (catalan) dans son plan insurrectionnel pour briser l'ordre constitutionnel espagnol. Pour Zaragoza, qu'il y ait eu des problèmes avec la Guardia civil et la police espagnole dans tous les bureaux de vote où ils étaient allés démontre bien la volonté des gens d'agresser ces agents en particulier (et non ceux des Mossos) et non la violence policière déployée.

« Monsieur Molinero, un ou plusieurs agents des Mossos a-t-il été blessé le 1er octobre ? » a demandé Zaragoza. « Quelqu'un a-t-il été victime de contusions ? » « Je crois que non ». « Insulté ? » « Probablement, oui ». « Agressé ? » «Nous n'avons pas constaté d'agressions ». A ce moment-là Molinero veut apporter quelques précisions à sa réponse mais Zaragoza se redresse sur son siège et dit « je n'ai plus de questions, Monsieur le Juge » tout en regardant du coin de l'œil Manuel Marchena avec une petite grimace et en s'affalant sur son siège, savourant ce qui lui semble être une petite victoire parce qu'il a démontré un peu plus que les Mossos faisaient partie de la rébellion. Regardez les deux séquences, celle de Zaragoza et celle de Me Melero, montées l'une après l'autre. Cela est assez révélateur :



Ce sang que n'ont pas fait couler les Mossos, auquel se réfère ensuite Me Melero est, à l'inverse, le sang qu'ont fait couler la Guardia civil et la police espagnole. C'est un élément essentiel que les officiers du corps des Mossos entendus en qualité de témoin ont eu beaucoup de mal à mettre en évidence. L'avocat de Joaquim Forn a pu au moins tirer cela de l'interrogatoire de Molinero. Mais ni lui, ni Ferran López, ni le major Trapero n'ont à aucun moment diffamé les agents de la Guardia civil ou les policiers espagnols quelles qu'aient été les raisons qu'ils auraient eues de le faire, compte tenu des excès et de la brutalité dont se sont rendus responsables nombre de ces agents ou compte tenu des pièges, traquenards et autres médisances de leurs officiers, que l'on a pu voir aussi bien lors des journées qui ont précédé ou suivi le jour du référendum que lors de leurs témoignages sous serment devant le Tribunal suprême dans ce procès.

Le lieutenant-colonel Pérez de los Cobos a traité avec un mépris total le corps des Mossos d'Esquadra, en commençant par le major Trapero, traitant de menteur Ferran López qui avait expliqué que le dispositif du 1-O avait été élaboré en commun accord avec tous les corps de police et que, jusqu'au dernier moment ce dispositif avait été le seul reconnu et appliqué. L'ancien bras droit de Trapero a fait hier une déclaration essentielle, révélant tous les détails de ce dispositif conjoint et comment Pérez de los Cobos l'avait peu à peu démoli, mais sans aucun propos déplacé contre celui-ci. « Pérez de los Cobos vous a-t-il, à un moment donné, reproché le dispositif d'action des Mossos d'Esquadra décidé pour le 1-O ? » avait-il été demandé à López. « Jamais », avait-il répondu, « pas même le lendemain, lors de la réunion du 2 octobre au cours de laquelle nous avons rendu compte de toutes les actions menées le 1-O, sans qu'aucune désapprobation ne soit formulée ». Ensuite, a rappelé López, le dossier du 1-O a été rangé dans un tiroir ; le 27 octobre, le gouvernement espagnol avait commencé à appliquer l'article 155 [de la constitution espagnole] et Pérez de los Cobos avait été nommé à la tête des Mossos d'Esquadra au moment même où Trapero était sanctionné, poursuivi pour sédition et accusé de rébellion. Puis l'offensive médiatique, politique et judiciaire contre les Mossos s'est amplifiée, encore et encore, au sein de l'État espagnol, mais sans que jamais une parole déplacée ne soit prononcée par aucun des responsables des Mossos d'Esquadra. Certains de leurs camarades, ainsi qu'eux-mêmes, ont beaucoup à perdre parce qu'ils se sont retrouvés dans le point de mire et qu'il y a un procès en attente à l'Audiencia española (héritière du franquiste Tribunal de l'ordre public, de sinistre mémoire, NdT).

Cela a conduit à une situation où tous les coups sont permis, avec des accusations fondées sur des mensonges, comme celles de Pérez de los Cobos, et dans laquelle Manuel Marchena autorise toutes sortes de questions fallacieuses de la part du ministère public et des avocats de Vox. Et, bien sûr, il n'y a pas moyen de présenter des vidéos contradictoires permettant de démentir tous ces témoignages à charge présentés par les accusations. Nouvel exemple aujourd'hui de ces abus : Marchena n'a pas permis à Me Andreu van den Eynde de demander à un agent de la Guardia civil s'il avait visionné 5 ou 12 vidéos sur les charges policières qui avaient eu lieu à Canyamar, dans la région du Maresme ; en revanche, il a permis à l'avocat d'extrême-droite Javier Ortega Smith d'interroger le commissaire Molinero sur la base d'affirmations mensongères, comme par exemple lorsqu'il a demandé à ce dernier : « Avez-vous eu connaissance du fait que M. Forn avait proposé des modifications à ce rapport préalable d'évaluation du 28 septembre ? ». Ce que Me Melero, n'a pas laissé passer : « Je suis au regret d'intervenir, mais l'affirmation contenue dans la question est complètement mensongère, pour le dire gentiment ». Et il a terminé en disant à Marchena : « J'ai voulu mettre en garde contre toute question fallacieuse suggestive ou non pertinente ». Il ferme son micro et, les lèvres serrées, lance un regard sévère, très dur à Ortega Smith. Si les avocats ne disent pas, ça suffit, Marchena ne le fera pas à leur place. Procès en libre-service, pour l'accusation bien sûr. Hier c'était le tour de Me Jordi Pina, de Me Van den Eynde et de Me Marina Roig. Aujourd'hui, Me Xavier Melero, à sa manière, a dit également « ça suffit ».

VU ET ENTENDU
Comment les vidéos pourront-elles être projetées ?
Marchena ne cesse de dire que les vidéos qu'il refuse de faire projeter pour vérifier la crédibilité des témoignages le seront dans la phase documentaire. Cette phase commencera quand s'achèveront les dépositions des témoins (à peine la moitié d'entre eux a témoigné à ce jour !) ainsi que la phase d'expertise. Aucune date n'est prévue même si l'on parle de la deuxième moitié du mois de mai. Le problème, c'est que les avocats ignorent comment fonctionnera cette fameuse phase documentaire qui, dans la plupart des procès ordinaires n'est qu'une formalité. Mais pas dans le cas présent, car c'est à ce moment-là qu'il sera possible de montrer enfin, et avec beaucoup de retard, tout ce matériel fondamental permettant de démonter le récit de l'Accusation. Les défenseurs ignorent comment ils pourront introduire ce matériel, dans quel contexte et quelles informations ils pourront donner… Ils ne disposent que d'une vague référence, quelques mots adressés par Marchena au procureur général, lorsqu'il lui avait dit que les vidéos pourraient être introduites « par deux ou trois 'lignes' ». Mais qu'entend-il par 'lignes' ? Des phrases, des paragraphes…. ?

PLUS D’INFORMATIONS
Le magistrat Joaquim Bosch traite dans cet entretien accordé à Roger Graells de l'un des aspects les plus importants que le tribunal aura entre les mains : Joachim Bosch : « Pour une condamnation pour conspiration, il suffirait que soit démontré qu'ils avaient décidé en commun ledit plan » (catalan)

QUE SE PASSERA-T-IL LA SEMAINE PROCHAINE ?
La semaine prochaine, de mardi à jeudi, ce sera le tour de dizaines d'agents de la police espagnole qui ont participé aux charges et aux attaques contre les bureaux de vote lors du référendum du 1-O.

Source :
Me Melero dit stop à la morgue de Zaragoza et aux mensonges de Vox (catlan)

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