Sale moment pour le policier espagnol : il révèle malgré lui l'énorme piège tendu aux Mossos d'Esquadra le 1-O


Le témoignage du responsable de tout le dispositif policier du 1-O à Barcelone confirme la préparation d'un plan d'action totalement en dehors des Mossos

Le commissaire en chef de la brigade d'information de la police espagnole, l’air très sûr de lui, tout d'abord ferme et précis dans ses réponses aux questions du procureur, se met soudain à bafouiller, à s'embrouiller dans ses réponses et à ne plus contrôler le ton de sa voix, comme s'il se sentait soudain acculé, contraint de dire ce qu'il ne voulait pas dire. Ce commissaire de la police espagnole, matricule 19.196, est le responsable de tout le dispositif policier d'attaque des bureaux de vote des villes de Barcelone, L’Hospitalet de Llobregat et Sabadell le 1-O. Les interrogatoires de Me Xavier Melero et Me Andreu Van den Eynde l'ont agacé, en particulier celui de Me Melero. Le témoin a fini par dire certaines choses qui ont permis de comprendre ce dont nous avions tous l’intuition ces derniers jours à travers les témoignages des agents de la Guardia civil : dès la minute zéro du premier jour, autrement dit bien avant le jour du référendum, la police espagnole et la Guardia civil avaient préparé un plan d’action en dehors des Mossos d’Esquadra.

La semaine dernière, plusieurs agents de la Guardia civil avaient été entendus au Tribunal suprême, dans le cadre du procès contre le « procès ». Ces agents avaient expliqué comment, dès les premières heures de la matinée, ils étaient arrivés dans les bureaux de vote situés dans des régions assez éloignées les unes des autres, certains d’entre eux expliquant avoir reçu leurs instructions un jour ou deux avant le Premier octobre. A l'aune de leurs dépositions, il était facile de comprendre ou, à tout le moins, de supposer que, malgré les instructions que le ministère public et le Tribunal supérieur de Justice leur avaient données de n'intervenir dans les bureaux de vote que sur ordre des Mossos d'Esquadra, la police espagnole et la Guardia civil avaient préparé leur propre plan d'action, totalement en dehors des Mossos, ce plan ayant été préparé bien avant le jour du référendum. Ce fait est d'une importance considérable dans cette procédure judiciaire car, lors de sa déposition sous serment, le coordinateur du dispositif policier du 1-O, le colonel de la Guardia civil Diego Pérez de los Cobos, avait déclaré que, devant la supposée inaction des Mossos et leur dispositif si peu efficace, ils avaient dû se résoudre à passer outre le dispositif de coordination avec les Mossos et à attaquer de leur côté les bureaux de vote partout en Catalogne.

Les témoignages du major Trapero et du commissaire Ferran López contredisent les déclarations de Pérez de los Cobos et démontrent que le colonel avait agi de manière déloyale mettant fin de façon délibérée à la coordination entre les différents corps de police. Ces témoignages prennent davantage de valeur si les dépositions des agents de la Guardia civil ou des commissaires de la police espagnole apportent des données le confirmant. Cela est arrivé avec le commissaire, matricule TIP 19.1916, de la police espagnole. Il s'est tellement pris à son propre jeu, répondant avec fougue et tant d'assurance aux questions du procureur, qu'il n'a pas su freiner à temps et a donné à ce dernier force détails sur le dispositif de la police espagnole à Barcelone le 1-O, détails qui n'ont pas manqué de fournir à Me Melero, l'avocat de Joaquim Forn, des munitions d'une grande valeur qu'il a su utiliser quand son tour est venu d'interroger le témoin.

Me Melero a pris bonne note des explications du commissaire : Pérez de los Cobos leur avait fourni une liste de plus de deux mille établissements scolaires devant servir de bureaux de vote pour le référendum ; trois jours avant le 1-O, ils avaient fait « une sectorisation par district » ; ils avaient désigné, pour chacun de ces districts, un responsable afin d'évaluer « les critères de sécurité des lieux de vote » ; chacun des établissements avait été analysé, suivant des critères de “faisabilité” – comme par exemple les problèmes qu'il pourrait y avoir pour y entrer et pour en sortir... – afin de déterminer dans lesquels ils interviendraient et dans lesquels ils n'interviendraient pas, ce qui veut dire qu'ils disposaient, bien avant le 1-O, d'une carte des “bureaux de vote possible” ; à six heures trente du matin ils étaient déjà tous dans la rue, attendant l'ordre d'agir, ordre qui était arrivé à cette heure-là.

Le commissaire a donné un tas d'informations permettant de comprendre que la police espagnole et la Guardia civil avaient agi de leur côté dès le début, étrangers à toute coordination, ce qui constituait un piège, une façon de laisser de côté les Mossos dès le premier moment afin de pouvoir les accuser plus tard – ce qui n'a pas manqué de se produire – à la fois de passivité, d'inertie et de manque d'efficacité et même de connivence avec le référendum, pour construire l'argumentation selon laquelle le gouvernement catalan aurait disposé d'un corps armé à son service pour déclarer l'indépendance. Me Melero, avec cette cordialité envers les témoins qui le caractérise, a fini par le faire sortir de ses gonds en le confrontant à ses propres contradictions. Le commissaire a alors perdu sa belle assurance, très embarrassé pendant tout l'interrogatoire. Me Melero a commencé ainsi :

- Le 1-O, à quel moment avez-vous eu connaissance que le mécanisme de coordination prévu avec les Mossos ne serait plus opérationnel ?
- Cette décision, ce n’est pas moi qui la prend...
- Je vous demande l'heure à laquelle vous en avez eu connaissance.
- À 8 heures du matin. C’est le moment où nous donnons aux équipes se trouvant dans la rue les instructions pour commencer à agir.
- Vous avez dit que le plan d'action prévu le 1-O avait été communiqué la veille aux instructeur et aux chefs d'unité, ces informations devant être complétées par un briefing à cinq heures du matin le 1-O. Les instructions que vous avez distribuées en cette veille du référendum, faisaient-elles mention de la coordination avec les Mossos d'Esquadra et de vos actions sur requête des Mossos d'Esquadra ? Cette instruction avait-elle suivi la voie hiérarchique ?

C'est un moment particulièrement décisif. On touche-là à des informations sensibles concernanr un aspect crucial pour le tribunal. Marchena se frotte le menton tout en regardant attentivement le témoin, les yeux à moitié fermés, comme pour l'aider à bien comprendre chaque mot de la réponse de celui-ci, les autres magistrats, assis à sa gauche et à sa droite, fixent également avec attention le commissaire. L'avocat poursuit :

- Je vous demande si dans les instructions que vous donnez à vos hommes, les dernières instructions, celles des 29 et 30 septembre, antérieures à la rupture du dispositif du 1-O, vous leur communiquez qu’ils doivent agir en coordination avec les Mossos d'Esquadra.
- Non. Je ne leur dis absolument pas cela, absolument pas.

Bingo. Me Melero a ce qu'il voulait : malgré les réunions organisant la coordination entre les différents corps de police, la police espagnole avait décidé de faire ce qu'elle voulait et avait mis au point son propre dispositif. Me Melero répète la réponse pour lui-même, pour qu'elle soit bien claire: « Il ne leur avait absolument pas dit cela, absolument pas ... ». Il continue :

- Avez-vous eu connaissance de la demande de renfort faite par les Mossos d'Esquadra, à 9 h 11 du matin, pour le maintien de l'ordre public le 1-O ?
- Je l'ai su a posteriori.
- Vous l'avez su a posteriori ?
- Oui, a posteriori.
- C’est l’information clé. Merci beaucoup. Le 1-O vous n'avez pas connaissance du fait que le coordinateur a décidé que le dispositif de coopération est rompu.
- Non, à 8 heures du matin nous étions déjà en intervention.

Intégralité de l’interrogatoire en espagnol :

Depuis le premier moment, la police espagnole et la Guardia civil ont voulu agir de leur côté et ils l'ont fait. José Antonio Nieto, l'ancien secrétaire d'Etat à la sécurité, en avait témoigné dans le prétoire : « cela ne devait pas ressembler à un référendum ». Ils savaient bien qu'il leur était impossible de mettre fin à une consultation électorale de plus de deux millions de votants en Catalogne sans les 90.000 agents, au moins, dont ils auraient eu besoin pour envahir l'ensemble des établissements scolaires susceptibles d'accueillir le scrutin. C'est la raison pour laquelle ils ont utilisé la violence, pour discréditer la consultation électorale, pour qu'elle n'ait rien d'un référendum, pour qu'elle soit une journée de violence leur permettant de construire en même temps cette grande accusation de rébellion. Cette violence, qu'aujourd'hui encore, une poignée d'agents de la Guardia civil et de la police espagnole ont une fois de plus niée en l'attribuant aux citoyens ayant été voter. Le juge Marchena refusant de faire projeter dans le prétoire les images seules susceptibles de contredire leurs témoignages, nous en sommes là. Aucun des agents ayant témoigné n'a vu la violence dans les bureaux de vote ni à l'Escola Mediterrània de Barcelone, ni au collège Pau Claris, ni au collège Ramon Llull.



PLUS D’INFORMATION
Aujourd'hui, le tribunal numéro 13 de Barcelone a clos l'instruction de la cause générale contre l'indépendantisme ouverte début 2017 contre des dizaines de personnes, dont beaucoup sont des hauts fonctionnaires du gouvernement. Une cause pleine d'irrégularités qui a permis au Tribunal suprême de construire la procédure contre les dirigeants du « procès » aujourd’hui jugés. A l'heure actuelle, le tribunal 13, avec à sa tête une nouvelle magistrate, a mis en examen trente-trois personnes. Pour plus d'informations : Le tribunal 13 traite les affaires Sanchis, Gordillo, Altafaj et 28 autres affaires dans le cadre de la grande cause contre l'indépendantisme (catalan)

Me Xavier Melero parle dans une interview accordée à Andreu Barnils, de VilaWeb de sa technique d'interrogatoire et de la clé de tout : le 1-O la police espagnole et la Guardia civil ne voulaient pas que cela ressemble à un référendum (catalan)

Jody Williams, prix Nobel de la paix, a assisté aujourd'hui à la session du procès au Tribunal suprême. Elle avait signé le manifeste « Let Catalans Vote ». C'est la raison pour laquelle, la défense de Jordi Cuixart l'avait citée comme témoin, mais le tribunal l'avait rejetée. Plus d'informations

Source :
Sale moment pour le policier espagnol : il révèle malgré lui l'énorme piège tendu aux Mossos d'Esquadra le 1-O (catalan)

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